Algérie: les grandes manœuvres sont en cours pour dégager un leadership crédible
Publié le 26-03-2019 à 13h15
![CORRECTION - An Algerian draped in the national flag takes part in a demonstration against ailing President Abdelaziz Bouteflika in the capital Algiers on March 22, 2019. - Bouteflika said on February 22 he would run for a fifth term in April 18 elections, despite concerns about his ability to rule. The 82-year-old uses a wheelchair and has rarely appeared in public since suffering a stroke in 2013. Following initial protests, he made the surprise announcement on March 11 that he was pulling out of the race -- and also postponed the polls. (Photo by Ryad KRAMDI / AFP) / "The erroneous mention[s] appearing in the metadata of this photo by Zaid AL-OBEIDI has been modified in AFP systems in the following manner: [RYAD KRAMDI] instead of [ZAID AL-OBEIDI]. Please immediately remove the erroneous mention[s] from all your online services and delete it (them) from your servers. If you have been authorized by AFP to distribute it (them) to third parties, please ensure that the same actions are carried out by them. Failure to promptly comply with these instructions will entail liability on your part for any continued or post notification usage. Therefore we thank you very much for all your attention and prompt action. We are sorry for the inconvenience this notification may cause and remain at your disposal for any further information you may require."](https://www.lalibre.be/resizer/co7LTGBZCFxZoYdiFlSCTvEy8yQ=/1200x800/filters:format(jpeg):focal(1275x645:1285x635)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/MKPHHUCZJVBWPJ4C64GKXMYBXA.jpg)
Faute de leaders consensuels pour négocier la transition, les contestataires n’ont qu’un seul mot d’ordre : "Dégagez !" Sans direction identifiée, le mouvement de rejet du régime Bouteflika risque de prêter le flanc aux provocations du pouvoir. Ou à la récupération des islamistes, qui, pour l’instant, se font discrets. Mais les prétendants au leadership peinent à se faire accepter. En refusant de démissionner de l’Assemblée nationale, l’opposition est décriée comme un "appendice du régime qui profite des mêmes privilèges que ceux qu’ils feignent de combattre". Réunis la semaine dernière, ses chefs se sont alignés derrière Kamel Guemazi, ancien dirigeant du Front islamique du Salut (FIS, dissout en 1992) pour la prière de l’après-midi. Symbole d’une alliance contre nature entre d’anciens barons du régime éjectés du sérail, et des partis sans troupes avec un parti liberticide, la vidéo de cette prière qui a fuité sur les réseaux sociaux a fait scandale.
Pour combler le vide, des listes d’activistes sont suggérées par leurs partisans ; sur les réseaux sociaux, les avocats Mustapha Bouchachi et Zoubida Assoul arrivent en tête du hit-parade. D’autres noms sont suspectés d’être mis en scène par les services de renseignements, pour entamer des négociations frelatées. Au-delà du profil de ces personnalités, c’est le mode opaque de leur désignation qui suscite la méfiance.
Les clientèles abandonnent Bouteflika
Dernier avatar en date, une Coordination nationale pour le changement en Algérie, qui tente de prendre le relais, fait polémique. Parmi les signataires d’une déclaration, la présence de Mohcen Belabbes, secrétaire général du très laïque Rassemblement pour la culture et la démocratie, aux côtés de Kamel Guemazi et Mourad Dhina, anciens dirigeants du FIS, qui avaient applaudi l’assassinat d’intellectuels et de journalistes dans les années 1990, a soulevé une vague d’indignation.
Tétanisés par l’ampleur de la contestation, les partis du pouvoir viennent d’entrer en scène. À défaut de légitimer la répression contre un mouvement pacifique qui a surpris par son civisme, ils tentent de le récupérer. "Le gouvernement doit satisfaire les revendications du peuple !" claironne Ahmed Ouyahia, le Premier ministre limogé la semaine dernière et secrétaire général du Rassemblement national démocratique. Son porte-parole, Seddik Chiheb, enfonce le clou : "L’Algérie est gérée par des forces anticonstitutionnelles. Le cinquième mandat est une faute !" Mardi, c’est au tour de Mouad Bouchareb, coordinateur du FLN (ex-parti unique, majoritaire) d’accrocher son wagon à la locomotive des contestataires : "Le FLN soutient le mouvement populaire et sa volonté de changement." En quittant le navire qui commence à sombrer, les barons du régime et leurs clientèles tentent de cristalliser la colère contre un vieillard physiquement délabré, le président Bouteflika, qu’ils ont servi avec un zèle indécent pendant deux décennies.
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Les contre-pouvoirs s’organisent
Plus redoutables, les "services" préparent dans l’ombre la Conférence nationale inclusive, pour s’assurer une majorité à leur main. Proposée dans une "lettre à la nation" attribuée au président Bouteflika, cette conférence sera chargée de gérer la transition, et de proposer une nouvelle constitution. Malgré son rejet par les manifestants, les walis (préfets) de chaque région sont à pied d’œuvre depuis quelques jours, pour désigner des délégués maison parmi les supplétifs du régime.
Loin de ces manœuvres, les contre-pouvoirs s’organisent sur le terrain. Après les étudiants, les avocats et les médecins qui ont désigné leurs porte-paroles en assemblées générales, c’est au tour des magistrats d’entrer en dissidence. Rassemblés, jeudi, devant le palais de justice d’Alger, ils ont défié la chancellerie en proclamant leur indépendance et en créant un syndicat autonome. Des contacts entre différentes corporations sont en cours et pourraient aboutir à une coordination nationale plus représentative du mouvement populaire. Et qui pourrait, dit-on, proposer une conférence alternative à celle du pouvoir.