Le cri d’alarme de 75 ONG pour la paix en Colombie
Publié le 05-04-2019 à 16h03
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Le président Ivan Duque rejette une partie importante de l’accord de paix de 2016. Réunion à Bruxelles.Plus de 75 représentants d’ONG colombiennes, européennes et internationales œuvrant au sujet de la Colombie sont réunis à Bruxelles, ces jeudi et vendredi, pour lancer un cri d’alarme en direction de l’Union européenne et de ses États membres sur les menaces qui mettent la paix en danger en Colombie et pour tenter d’élaborer des stratégies permettant de redresser la barre.
Le 24 novembre 2016 était signé un accord de paix entre le gouvernement de Bogota et la guérilla Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie, marxistes) pour mettre fin à un des plus longs conflits civils du globe, vieux d’un demi-siècle. C’était l’aboutissement de quatre ans de négociations entre la rébellion et le gouvernement du président Juan Manuel Santos (2010-2018), qui s’était montré ouvert à une solution pacifique, au contraire de son prédécesseur - dont il fut un temps l’allié - Alvaro Uribe (2002-2010). Ce dernier, proche des paramilitaires d’extrême droite, avait privilégié la solution militaire ; sans succès définitifs.
La farouche opposition de l’ex-président Uribe
Uribe est un des plus farouches adversaires de cet accord de paix et sa campagne d’opposition a convaincu : le référendum qui devait approuver le texte, le 2 octobre 2016, avait vu la victoire du "non" par 50,21 %. Le président Santos avait passé outre ce rejet, en faisant adopter par le Congrès un texte approuvant l’accord, légèrement modifié. Conséquence logique : à la présidentielle de mars 2018, le candidat du parti de M. Uribe l’avait emporté ; Ivan Duque est à la tête de l’État depuis août dernier.
Ivan Duque reçoit l’appui de Washington
Avant et après son élection, M. Duque a souligné son intention de modifier l’accord, qu’il juge trop favorable aux ex-guérilleros. Depuis son arrivée aux affaires, la mise en œuvre du texte n’avance plus, voire recule : les politiques publiques qu’il propose vont à l’encontre de ce qui avait été entendu, notamment en matière agraire. La lutte pour la terre est pourtant à la base de la guerre civile qui a éclaté en 1964 et la spoliation de terres paysannes par les paramilitaires d’extrême droite alliés de M. Uribe ont encore aggravé le problème dans certaines régions.
À la mi-mars, le président Duque a refusé de promulguer une loi votée par le Congrès conformément à l’accord de paix : celle créant des tribunaux spéciaux pour la paix, chargés de juger les guérilleros démobilisés accusés d’avoir commis des crimes de guerre. Il a obtenu sur ce point le soutien de l’administration Trump - à qui le président colombien prête main-forte dans sa campagne pour renverser le président Nicolas Maduro au Venezuela voisin.
La Constitution colombienne ne donne pas au Président le loisir de refuser de promulguer une loi votée par le Congrès. La Cour constitutionnelle de Bogota a donc donné au Congrès jusqu’au 22 juin pour approuver ou rejeter le refus de signer du chef de l’État ; après cette date, la Cour constitutionnelle tranchera.
Fumigations aériennes de glyphosate
Soutien de l’administration Trump aussi à un autre refus du président Duque d’appliquer l’accord de paix : alors que celui-ci prévoit une politique de substitution des cultures de coca par d’autres (le narcotrafic finance les guérillas et les paramilitaires d’extrême droite), il veut, au contraire, reprendre les fumigations aériennes de glyphosate, considérées par l’Organisation mondiale de la santé comme probables responsables de nombreux cancers humains. La semaine dernière, M. Trump a accusé M. Duque de n’avoir "rien fait" pour diminuer la quantité de cocaïne entrant aux États-Unis, au grand dam de son administration, qui appuie le président colombien.
À cela s’ajoute le nombre alarmant d’assassinats de dirigeants communautaires et militants des droits de l’homme, qui tentent de mettre en œuvre l’accord de paix : en 2018, 172 ont été assassinés, tandis que 29 massacres étaient enregistrés (contre 11 en 2017), accroissant ainsi les déplacements forcés de populations.