Trump repart en guerre contre Cuba, l'Europe menace les États-Unis de représailles
Bruxelles est prête à des représailles si la justice américaine sanctionne des sociétés européennes.
Publié le 17-04-2019 à 19h40 - Mis à jour le 18-04-2019 à 12h47
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Bruxelles est prête à des représailles si la justice américaine sanctionne des sociétés européennes.Le conseiller de Donald Trump à la Sécurité nationale, John Bolton, a annoncé mercredi - ce 17 avril étant le 58e anniversaire du débarquement américain raté de la baie des Cochons, destiné à renverser Fidel Castro - la réactivation, à partir du 2 mai, d’une loi ouvrant la voie à quelque 200 000 potentielles actions en justice contre des entreprises étrangères présentes à Cuba.
Il s’agit du chapitre III de la loi Helms-Burton de 1996 (qui renforçait l’embargo commercial, économique et financier contre l’île caraïbe, mis en place depuis février 1962 et déjà renforcé en 1992 par la loi Torricelli), chapitre gelé depuis lors en raison de son haut potentiel conflictuel avec des alliés des États-Unis : l’Union européenne (UE) est en effet le premier investisseur étranger de Cuba.
Poursuivre des entreprises européennes
Le gel, prolongé tous les six mois par les présidents américains depuis lors, ne l’avait été que pour un mois en mars dernier et venait à échéance ce mercredi. Malgré les déclarations jugées lénifiantes de la secrétaire d’État adjointe pour les Amériques, Kimberley Breier ("la majorité des entreprises européennes ne seront pas inquiétées"), Bruxelles a menacé Washington de représailles si la justice américaine s’attaquait aux intérêts européens.
Ce chapitre III permet en effet de poursuivre devant les tribunaux fédéraux américains les entreprises, notamment étrangères, qui ont réalisé des gains à Cuba grâce à des entreprises locales nationalisées après la révolution castriste (1959). Si, par exemple, une chaîne hôtelière américaine poursuivait une chaîne hôtelière de l’UE, ont averti la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, et la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström, dans un courrier du 10 avril à l’administration Trump, dont l’AFP a obtenu copie, "la chaîne hôtelière de l’UE serait en mesure de demander des dommages-intérêts […] devant un tribunal" de l’UE, dommages qui pourraient "être récupérés par la saisie et la vente des actifs détenus par la chaîne américaine dans l’UE". Le Canada partage le mécontentement de l’UE.
Extraterritorialité de la loi américaine illégale
Bruxelles envisage en outre de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC) parce que "la législation américaine est contraire à la loi internationale" dans la mesure où elle extraterritorialise les lois des États-Unis. L’UE a commencé à s’en préoccuper lorsque cette politique a été appliquée par Washington pour frapper l’Iran.
Les États-Unis ont aussi sanctionné la banque russe Evrofinance Mosnarbank le 11 mars dernier parce qu’elle faisait des affaires avec PDVSA, l’entreprise pétrolière publique vénézuélienne, contre laquelle l’administration Trump a décrété des sanctions.
Ce nouveau conflit États-Unis/UE s’ajoute à celui qui oppose les deux géants occidentaux sur les automobiles européennes, que le président Trump veut taxer - au grand dam de l’Allemagne - et à celui sur l’aéronautique, Washington et Bruxelles s’accusant mutuellement de subventionner Airbus et Boeing. L’Union européenne a déjà, a-t-elle averti, constitué une liste, longue de onze pages, de produits américains susceptibles d’être frappés de nouvelles taxes si les États-Unis en appliquaient.
Retour de la doctrine Monroe
Le 30 janvier dernier, le Wall Street Journal indiquait que, selon des membres de l’administration Trump, les tentatives de Washington de pousser le président vénézuélien Nicolas Maduro vers la sortie "marquent l’ouverture d’une nouvelle stratégie pour exercer une plus grande influence des États-Unis sur l’Amérique latine". Cela dégage un parfum de retour à la doctrine Monroe (XIXe siècle) : "l’Amérique aux Américains", ces derniers devant s’entendre comme les États-Unis. On peut en effet s’étonner que Washington n’ait toujours pas normalisé ses relations avec La Havane (le rapprochement lancé par Barack Obama a été clairement stoppé par Donald Trump), alors qu’il l’avait fait avec la Chine ou le Vietnam.