Les Européens cherchent à livrer leurs djihadistes à l’Irak
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Publié le 21-04-2019 à 13h14 - Mis à jour le 21-04-2019 à 13h15
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Les faire juger par un tribunal irakien, parrainé par l’Onu, est l’option préférable, selon Didier Reynders.La plupart des pays européens, dont la Belgique, refusent de rapatrier leurs djihadistes détenus en Syrie et en Irak, mais traînent à trouver une alternative en dépit de l’urgence de la situation et des pressions américaines.
L’une des options en discussion est la prise en charge par les tribunaux irakiens des djihadistes européens, sur le modèle cambodgien, c’est-à-dire avec l’appui de l’Onu, a indiqué récemment le ministre belge Didier Reynders lors d’un déplacement à Washington. Le processus serait, selon lui, moins lourd que de fonder un tribunal international.
Mais il n’y a pas, pour l’heure, de négociation directe de la Belgique avec l’Irak.
Une autre option est de les faire juger dans le nord de la Syrie, un projet longtemps soutenu par les États-Unis, jugé irréaliste par certains en raison des incertitudes qui pèsent sur cette région autonome.
En Syrie, ils passent au screening biométrique
Quelle urgence ? Après la chute du califat, près de 2 000 combattants étrangers de l’État islamique (EI), en provenance d’une cinquantaine de pays, sont désormais dans les mains des Forces démocratiques syriennes (FDS), la coalition arabo-kurde soutenue par les États-Unis. C’est une estimation. Un millier ont été formellement identifiés après un screening biométrique. "Nous pensons que ce nombre va croître alors que nous travaillons avec les FDS pour vérifier l’identité nationale ", vient d’indiquer à CNN le porte-parole du Pentagone, Sean Robertson.
Les Kurdes syriens hébergent aussi 66 000 résidents de l’ex-califat, en grande majorité des femmes et des enfants. Ceux-ci vivent dans des camps précaires. Plusieurs Belges y sont bloquées. L’une d’elles, Cassandra Bodart, 24 ans, a répété en mars au quotidien néo-zélandais The National que le camp où elle se trouvait, celui de Roj, était devenu "un camp de radicalisation, très dangereux". "J’ai peur tout le temps, j’ai fait une énorme erreur." Son avocat, Me Nicolas Cohen, se bat pour son rapatriement, "l e droit d’un citoyen d’être dans son propre pays, sinon la citoyenneté ne veut plus rien dire".
La France a entamé le rapatriement des mineurs. Mais en février, elle a remis treize djihadistes français aux autorités irakiennes pour jugement.
Les juger en Irak : deux milliards de dollars
L’option irakienne "est politiquement plus acceptable que le rapatriement des djihadistes ", note Thomas Renard, spécialiste des matières terroristes pour l’institut Egmont "C’est la position des gouvernements, pas nécessairement du monde judiciaire et des services, pour qui il serait plus sage et plus sûr de les rapatrier, de les juger et de les avoir à l’œil. "
La crainte des experts est de voir se rééditer ce qui s’est passé il y a une décennie en Irak quand une série d’insurgés arrêtés par l’armée américaine se sont radicalisés mutuellement dans des camps comme celui de Bucca, qui devint un terreau pour la fondation de l’État islamique.
Le même raisonnement est mené par le responsable des relations extérieures du nord de la Syrie, Abdulkarim Omar, qui dénonce "la grosse erreur" des gouvernements européens et de leurs opinions publiques. "Si les combattants ne sont pas rapatriés, réhabilités et intégrés, ils deviendront de futurs terroristes ", dit-il. Tant les Kurdes syriens que le gouvernement irakien ont proposé aux Européens de se charger du procès des combattants, contre rémunération. Bagdad demande deux milliards de dollars en échange de ses services. L’estimation a été faite sur base de l’expérience à la prison américaine de Guantanamo à Cuba.
Sur le modèle cambodgien
L’idée, qui est dans l’air, est de créer un tribunal spécial géré par la justice irakienne mais soutenu par la mission des Nations unies en quête de preuves judiciaires en Syrie et en Irak. Au Cambodge, des chambres extraordinaires auprès des tribunaux jugent encore les crimes commis par les Khmers rouges il y a près de 40 ans.
La non-application de la peine de mort pourrait faire partie des garanties demandées par les Européens dans les négociations, note Thomas Renard. Deux Belges - Tarik Jadaoun et Bilal Al Marchohi - ont été condamnés à mort, mais la Belgique a demandé, par la voie consulaire, qu’ils ne soient pas exécutés.
Selon le Times de Londres, outre la Belgique et le Royaume-Uni, plusieurs pays européens sont "intéressé s" par l’option irakienne : l’Allemagne, la France, la Finlande et la Suède. L’armée américaine a, de son côté, facilité le rapatriement de djihadistes vers le Maroc, la Macédoine du Nord et le Kazakhstan.