RDC: les musulmans congolais au cœur d'une lutte pour le pouvoir
La Communauté islamique du Congo (Comico) est, depuis 2018, l’objet d’une lutte pour le pouvoir. Parallèlement, l’organisation terroriste internationale Etat islamique (EI ou Daech) revendique des attaques au Nord-Kivu menées par des rebelles ougandais ADF, qui ensanglantent la région depuis de longues années. S’agit-il d’une offensive concertée ou d’un hasard ?
- Publié le 05-06-2019 à 16h03
- Mis à jour le 05-06-2019 à 16h09
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La Communauté islamique du Congo (Comico) est, depuis 2018, l’objet d’une lutte pour le pouvoir. Parallèlement, l’organisation terroriste internationale Etat islamique (EI ou Daech) revendique des attaques au Nord-Kivu menées par des rebelles ougandais ADF, qui ensanglantent la région depuis de longues années. S’agit-il d’une offensive concertée ou d’un hasard ?
Depuis 2018, un groupe de musulmans essaie de renverser la direction de la Communauté islamique du Congo (Comico, qui revendique 10 millions de musulmans en RDC), représentée par Cheikh Ali Mwinyi Mkuu et Idrys Katenga. A noter: Cheikh Ali Mwinyi s’était opposé à une tentative des kabilistes d’opposer les musulmans aux marches chrétiennes, en février 2018.
En avril 2018, un sit-in avait été organisé au siège de la Comico à Lingwala (Kinshasa) par cheikh Zaidu Ngongo Amani, président du Conseil théologal national permanent – qui regroupe les imams. En cause: le statut de ce Conseil; était-il "un organe autonome dans la communauté" musulmane, comme le veulent les imams, ou un organe subalterne de la Comico?
En juin 2018, cheikh Zaidu Ngongo avaient appelé à célébrer la fin du ramadan au Jardin botanique de Kinshasa, tandis que les représentants légaux de la Comico organisaient la cérémonie, comme d’habitude, au grand Stade des Martyrs.
Occupation des bureaux de la Comico
En octobre dernier, les partisans de cheik Zaidu Ngongo avaient pris d’assaut les bureaux de l’organisation, qu’ils occupent depuis lors. Les représentants légaux de la Comico déposèrent plainte en justice. Le parquet de la Gombe (centre de Kinshasa) aurait émis des ordres d’arrêter les occupants mais, a indiqué Idrys Katenga à nos confrères du Journal des Nations, "à chaque fois l’exécution de ces actes a été bloquée par une main invisible".
Profitant de sa possession des bureaux de la Comico, cheikh Zaidu Ngongo a organisé une assemblée générale de l’organisation – qui n’a toutefois réuni que 14 des 21 membres du comité de la Comico – et s’est proclamé chef spirituel, tandis que son bras droit, Djouma Twaha, devenait "secrétaire général". Ils organiseront une assemblée générale en août prochain, ont-ils assuré.
Les représentants légaux ont indiqué à nos confrères d’Actualité.cd, que les deux dirigeants putschistes n’étant pas membres effectifs de la Comico, ils ne sont ni électeurs ni éligibles par les assemblées de l’organisation. Mais ils empêchent les représentants légaux d’organiser l’assemblée élective pour leur succession – qui était due en mars 2019 mais n’a pu avoir lieu en raison de l’occupation des locaux.
Prêcher le djihad
Les représentants légaux ont affirmé au « Journal des Nations » voir été menacés de mort. Ils assurent que leurs rivaux prêchent le djihad (la guerre sainte) aux jeunes musulmans. On remarque que la conquête des locaux de la Comico a eu lieu en octobre dernier, alors que, pour la première fois, l’organisation terroriste internationale Etat islamique (EI) diffusait une vidéo appelant les soldats du "califat" (réduit à néant en Syrie/Irak) à migrer vers la RDCongo. Cet appel était lancé par une faction armée appelée MTM (Madinat al-Tawhid wal Muwahhidin, la Cité des monothéistes et des guerriers saints), lettres que les ADF, rebellion musulmane ougandaise présente au Congo depuis longtemps, ont rajouté à leur drapeau ces dernières années.
Selon le GEC (Groupe d’études sur le Congo, de l’Université de New York), les ADF tentaient depuis plusieurs années d’être acceptées comme un bras de l’EI. Ce n’est qu’en avril dernier que satisfaction semble leur avoir été donnée puisque le site de propagande de EI, Amaq, a revendiqué une attaque des ADF à Bovata (Nord-Kivu), dans la région de Beni, près de la frontière ougandaise.
Les ADF ou des dissidents des ADF?
Depuis lors, une dizaine d’attaques attribuées aux ADF dans cette région ont été revendiquées par EI. Le site américain spécialisé sur EI « FDD’s Long War Journal » estime cependant que s’il "est clair que EI fait un effort concentré pour atteindre des militants en RDC", il n’est pas impossible que se soit simplement une branche dissidente des ADF qui ait fait allégeance à l’organisation islamiste internationale.
Plus généralement, l’EI essaie apparemment de se présenter comme un groupe toujours actif, malgré la perte de son territoire en Syrie et Irak. Il vient ainsi de revendiquer, pour la première fois, la semaine dernière, une attaque au Mozambique, où des attaques de rebelles musulmans ont lieu depuis octobre 2017: les musulmans forment quelque 20% de la population dans cette ancienne colonie portugaise.