Le Congo au bord de la crise de nerfs
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- Publié le 13-06-2019 à 08h48
- Mis à jour le 13-06-2019 à 14h55
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La Cour constitutionnelle a invalidé 23 députés, tous de l’opposition.
Mardi 11 juin, en pleine nuit, la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo annonçait l’invalidation de 23 élus nationaux. Tous issus des rangs de l’opposition. Tous obligés de céder leur siège à un élu du Front commun pour le Congo (FCC), la plate-forme politique de Joseph Kabila qui détenait déjà plus de 75 % de l’Assemblée nationale et plus de 85 % du Sénat.
La décision de la Cour constitutionnelle surprend et c’est un euphémisme. D’abord parce qu’elle intervient en dehors du délai légal de 60 jours, comme le fait remarquer Eve Bazaiba, la secrétaire générale du Mouvement de libération pour le Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba dans un communiqué qui fustige "une provocation de la part des ennemis du peuple", parle "d’acharnement contre l’opposition […] reflet des dérives dictatoriales tant décriées ces dernières années dans notre pays", avant d’évoquer "la tricherie orchestrée à l’élection présidentielle, la corruption de la justice par le FCC qui ont atteint les limites de l’insupportable". Et de conclure en appelant à une marche pacifique samedi 15 juin. Il faut dire que le parti de Bemba, qui a annoncé son retour en RDC pour le 23 juin, paie un lourd tribut à cette valse des invalidations, en voyant huit de ses élus passer à la trappe.
Le MS de Pierre Lumbi, autre formation phare de l’opposition congolaise, membre de la plate-forme Ensemble de Moïse Katumbi, n’est guère en reste. Lui aussi s’est fendu d’un communiqué dans lequel il appelle le peuple congolais à se mobiliser. Un de ses élus, Jean-Claude Kibala, ancien vice-gouverneur du Sud-Kivu et ancien ministre de la Fonction publique dans les gouvernements Matata, a lui aussi été invalidé… "alors qu’il n’y avait pas de contentieux dans ma circonscription. Notre avocat n’a pas été prévenu. Nous avons été placés devant le fait accompli".
Ces invalidations ne peuvent se justifier par la qualité du candidat. Chaque candidature ayant reçu l’aval de la Cour pour se présenter au scrutin. "Il fallait donc que le requérant puisse se prévaloir d’un score supérieur à celui de ceux qui avaient été élus. Dans mon cas, je suis arrivé en tête de ma circonscription. S’il devait y avoir un souci de cet ordre, c’était le dernier élu sur la liste qui devait céder sa place… pas le premier. C’est la preuve que ce n’est pas de la justice mais le fait du prince. Je pense que le clan Kabila provoque l’opposition pour voir jusqu’où il peut aller sans que le peuple réagisse. Aujourd’hui, ils ont franchi la limite."
Opposition à l’unisson
Quelques heures plus tard, c’était au tour de Martin Fayulu, candidat à la présidentielle, donné vainqueur par les observateurs neutres mais relégué à la seconde place par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et la Cour constitutionnelle, de contester vivement ces décisions de la cour. "Vous avez donc compris que par cette énième forfaiture d’une Cour constitutionnelle aux ordres, messieurs Félix Tshilombo (Tshisekedi) et Joseph Kabila ont assassiné l’État de droit en faisant de la corruption le seul véritable salaire du juge et du magistrat", a affirmé M. Fayulu dans une déclaration avant d’annoncer "la suspension des activités parlementaires de tous les parlementaires de la plate-forme Lamuka jusqu’à nouvel ordre".
Ces vingt-trois élus invalidés ont eu le mérite de rabibocher une opposition qui, jusque-là, avait la fâcheuse tendance à se déliter. Martin Fayulu, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi ont, certes avec des inflexions, retrouvé des priorités communes "grâce" à ce nouveau coup de force de la Kabilie. Ces vingt-trois élus, le modus operandi douteux de la Cour constitutionnelle, tout cela dans un moment de vive tension entre les partenaires de la majorité, permettent à l’opposition de retrouver un certain souffle qui lui faisait défaut et démontre toute l’arrogance d’un clan qui veut conserver tout le pouvoir coûte que coûte.