"En quelques secondes, vous perdez votre passé, votre présent et votre futur"
Membre de l’unité d’urgence de MSF Belgique, Marie-Christine Férir nous décrit les spécificités de l'intervention des secours post-tremblement de terre.
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Publié le 06-02-2023 à 17h31 - Mis à jour le 06-02-2023 à 18h21
De nombreuses villes touchées avec des immeubles effondrés, un séisme de magnitude importante qui frappe en pleine nuit, surprenant les gens dans leur sommeil, et des conditions hivernales… “Malheureusement, tous les ingrédients sont rassemblés pour que le bilan humain s’alourdisse”, commente Marie-Christine Férir. Membre de l’unité d’urgence de MSF Belgique, celle-ci a déjà été amenée à intervenir dans des régions touchées par des tremblements de terre dans le passé, à deux reprises en Turquie notamment. Habituées à faire face à ce type d’événement, les forces de secours turques “sont bien outillées et bien organisées”, souligne-t-elle, mais la “zone touchée est très vaste”, ce qui explique l’appel au soutien international lancé par les autorités d’Ankara.
Du côté de Médecins sans frontières, l’évaluation de la situation est toujours en cours et l’on se prépare pour être prêt à déployer des équipes là où cela pourrait s’avérer nécessaire. L’ONG dispose d’une équipe composée de nationaux en Syrie, l’un de ses membres est malheureusement décédé dans le séisme et un bâtiment de stockage a été démoli, déplore notre interlocutrice.
Des urgences et des besoins multiples
La première urgence, qui va durer plusieurs jours, est de poursuivre les recherches pour tenter de retrouver et de dégager les victimes – vivantes ou mortes – encore piégées dans les décombres, explique M. Férir. Un travail délicat qui échoit aux équipes de protection civile accompagnées de chiens spécialisés.
Un tremblement de terre, c'est très traumatisant. En quelques secondes, vous perdez votre passé, votre présent et votre futur.
Il faut ensuite prendre en charge les blessés, ce qui va dépendre aussi de l’état des infrastructures hospitalières locales, alors que nombre d’entre elles se trouvent dans la zone sinistrée, observe-t-elle, s’attendant à voir les secours turcs déployer des hôpitaux de campagne. “De plus, il faut continuer à prendre en charge toutes les autres pathologies courantes : personnes souffrant de maladies chroniques, victimes d’une crise cardiaque, femmes sur le point d’accoucher… Il y aura également besoin de structures post-opératoires pour les personnes qui ont besoin de soins à long terme, afin de dégager des places pour les victimes du séisme”, poursuit Marie-Christine Férir. Au passage, celle-ci épingle une pathologie particulière, propre aux personnes qui sont restées bloquées sous des décombres, le “crush syndrom”. Lorsqu’on les extrait des ruines, leurs muscles, libérés de la compression exercée par les débris, relâchent des toxines dans le sang qui peuvent entraîner un problème temporaire de fonctionnement des reins, nécessitant une prise en charge par dialyse.
Autre enjeu crucial : l’approvisionnement en eau potable qui va dépendre de l’impact qu’aura eu le tremblement de terre sur le réseau de distribution. Idem pour les infrastructures routières dont dépendent l’évacuation des victimes et l’approvisionnement des zones touchées.
Enfin, l’experte de MSF souligne également l’importance de la prise en charge psychologique des populations. “Un tremblement de terre est un événement très traumatisant et il y a beaucoup de répliques. Les gens ne veulent plus rentrer dans leur habitation, même si le bâtiment n’a aucune fissure car ils ont peur que cela s’écroule à nouveau. D’autres veulent rester près de leur habitation détruite car ils espèrent retrouver des survivants – une personne coincée peut survivre 8 à 10 jours si elle a accès à de l’eau – ou récupérer quelques souvenirs. Ils vont donc rester sur place sous des tentes de fortune, alors que l’on connaît des conditions hivernales.”