Gaza commémore la Nakba sous les bombes
Les 75 ans de la création de l’État d’Israël correspondent du côté palestinien à la Nakba, “la catastrophe”, commémorée en pleine flambée de violences entre Tsahal et le Jihad islamique à Gaza.
Publié le 13-05-2023 à 17h31 - Mis à jour le 15-05-2023 à 17h49
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Ce dimanche 14 mai, les Palestiniens commémorent la “Nakba” - “la catastrophe” - soit le déplacement forcé de 700 000 d’entre eux en 1948. Septante-cinq ans plus tard, la solution à deux États semble toujours plus éloignée. “On parle beaucoup dans les médias de la question démocratique en Israël”, pointe Yehuda Shaul, ancien soldat d’Israël et fondateur de l’ONG Breaking The Silence, qui se bat désormais pour que les Palestiniens disposent un jour d’un État indépendant.
“On évoque nettement moins le fait que le gouvernement israélien actuel vise ouvertement à annexer la Cisjordanie. C’est écrit noir sur blanc dans l’accord de coalition.” Et Yehuda Shaul de pointer un autre élément interpellant : la faible réaction de la communauté internationale. “Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir veulent le chaos pour faire avancer leurs idées, et si ces extrémistes bénéficient d’une telle impunité, aujourd’hui, c’est parce qu’il y a un manque total de réaction sur la scène internationale”.

”On a effectivement vu les Américains et les Européens tancer Benjamin Netanyahou bien plus violemment sur la réforme de la Cour suprême que sur sa politique vis-à-vis des Palestiniens”, ajoute le directeur de recherche à l’Institut français de géopolitique, Frédéric Encel. Aux yeux de celui-ci, “le conflit israélo-palestinien a été relégué par les chancelleries occidentales au rang de simple contentieux local depuis des années”.
Des affrontements plus fréquents
Sur le terrain, les attaques, frappes et affrontements se sont multipliés ces derniers mois. Vendredi, Tsahal et des groupes armés de Gaza ont à nouveau échangé des tirs de missiles et de roquettes au quatrième jour d’un affrontement ayant fait au moins 33 morts côté palestinien et un mort côté israélien. “Généralement, les opérations militaires israéliennes d’envergure sont relativement espacées dans le temps, analyse le professeur de science politique à l’Open University Of Israël, Denis Charbit. Elles surviennent tous les deux, trois ou quatre ans. Dernièrement, on voit que cet écart s’est réduit : des opérations ont été menées en mai 2021, août 2022, et maintenant mai 2023”.

”Israël a toutefois intérêt à ce que ces affrontements soient brefs, ajoute Denis Charbit. Depuis quelques jours, Tsahal vise volontairement une seule organisation (le Jihad islamique, NdlR). Le Hamas reste en dehors de cela, mais il est sous pression. Israël a tout intérêt à ce que le conflit ne dure pas, s’il veut éviter que le Hamas ne soit impliqué, ce qui prendrait alors une autre ampleur”.
La Palestine dans les manifestations
”Du côté palestinien, rapport de force asymétrique oblige, l’objectif du Jihad islamique est de justement faire éclater d’autres zones de conflit sur le territoire, pointe encore le politologue. Il envoie des roquettes depuis Gaza dans l’espoir que les choses s’enflamment aussi au sud Liban, à Jérusalem Est et en Cisjordanie, mais ce n’est pas ce qui est en train de se produire.”

Ce samedi soir, comme les dix-huit derniers week-ends, des centaines de milliers de citoyens israéliens descendront vraisemblablement dans la rue pour crier “Démocratie !” Vu de l’extérieur, la question palestinienne semble relativement absente de ces manifestations monstres.
“Je ne suis pas d’accord avec cette analyse, conclut Denis Charbit. Ce n’est sans doute pas au premier plan, mais le nombre de pancartes sur lesquelles on peut lire “s’il n’y a pas de démocratie, il y a occupation” est impressionnant. On a réentendu le mot “paix” qui était banni jusqu’ici, et la question de la solution à deux États, dont plus personne ne parlait jusqu’ici, réapparaît”.