"Les activistes pro-environnement méritent notre sympathie, pas la répression"
Dunja Mijatović, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, défend les nouvelles formes d’activisme écologique et dénonce la violence de leur répression.
- Publié le 06-06-2023 à 16h26
- Mis à jour le 06-06-2023 à 16h42
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Face à l’intensification de la répression des militants pro-environnement, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović prend fait et cause pour “ceux qui sont à l’avant-garde des manifestations pour l’action climatique”. Les mouvements pacifiques en faveur de l’environnement, y compris dans leurs formes les plus inédites, ne doivent pas être réprimés, écrit-elle dans un “Carnet des droits de l’homme” publié le 2 juin dernier où elle dénonce la montée de la criminalisation des activistes.
Exit donc les termes d’“écoterroristes”, “écozélotes”, “criminels”, “minorités égoïstes” et autre “écovandalisme” parfois associé à “terrorisme”.
Pour la Commissaire, ces termes particulièrement “désobligeants” n’ont pas à être appliqués à ces activistes et risquent d’encourager l’usage de la violence contre les participants à ces manifestations qui montent en puissance et prennent désormais des formes inédites, certes “perturbatrices” mais surtout liées à “un sentiment croissant de frustration et d’impuissance, en particulier dans les jeunes générations, face à l’insuffisance manifeste des mesures prises par les gouvernements confrontés à l’imminence d’une catastrophe climatique”.
Bâillonnés, les activistes cherchent de nouvelles voies pour se faire entendre et atteindre un public plus large constate Dunja Mijatović qui cite le blocage de rues, autoroutes, voies ferrées voire de piste d’aéroport, l’interruption de manifestations sportives ou de représentations artistiques et la projection de peinture ou de nourriture sur des œuvres d’art toujours protégées par des vitres.
“À de très rares exceptions près”, ces manifestations ont été “pacifiques et non violentes”, écrit-elle en dénonçant les méthodes autoritaires avec lesquelles elles ont été réprimées dans une Europe où la liberté de réunion pacifique et la liberté d’expression incluent le droit de manifester et de protester pour la défense de l’environnement.
La désobéissance civile pour briser le statu quo
Gaz poivre en Autriche, répression par la police anti-émeute en France, arrestations et détentions en Finlande, aux Pays-Bas et en Serbie, perquisitions et placement en détention préventive en Allemagne, peines de prison – avec ou sans suris – et peines d’intérêt général dans plusieurs États européens, voire des propositions de loi destinées à renforcer l’encadrement des manifestations et visant essentiellement les manifestations écologiques au Royaume-Uni sont inacceptables, martèle la Commissaire en rappelant que “le maintien de l’ordre doit être conforme aux droits humains”.

S’il ne l’est pas, le sentiment de frustration augmentera, particulièrement chez les jeunes qui douteront “de plus en plus de la capacité des institutions démocratiques à répondre à l’urgence climatique et à d’autres défis environnementaux pressants”.
Dunja Mijatović prône un “dialogue social plus authentique” sur les questions environnementales, promeut la présence des défenseurs de l’environnement à la table des négociations et appelle à la participation de tous – y compris les enfants – à la prise de décision concernant les lois, politiques et projets susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement.
L’heure n’est plus à tergiverser estime-t-elle en rappelant l’irréfutabilité des données scientifiques et l’urgence de la “menace existentielle pour l’humanité et les droits humains”.
Selon elle, la violence de la répression exercée contre ceux qui veulent agir peut d’autant moins perdurer que l’on sait que “dans l’histoire de l’humanité, de nombreuses avancées en matière de liberté et de dignité ont été résolues grâce à la détermination de personnes qui ont eu le courage de descendre dans la rue et d’adopter la désobéissance civile pour refuser le statu quo”.
Les activistes pro-environnement s’inscrivent sur “cette longue et stimulante tradition”, “ils méritent notre sympathie et notre soutien et non la répression et le ressentiment”, conclut-elle.