Luis Rubiales a fini par céder: retour sur l'affaire du baiser forcé
Après s’être accroché à son poste pendant trois semaines, le président de la RFEF a annoncé sa démission. Il estime toutefois qu’il n’est pas coupable des faits qui lui sont reprochés.
- Publié le 12-09-2023 à 09h15
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Il a fini par céder. Trois semaines après le baiser imposé à la championne du monde Jennifer Hermoso, à Sydney, le président de la fédération royale de football espagnole (RFEF), Luis Rubiales, a présenté sa démission, dans la soirée du dimanche 10 septembre. Il quitte, par la même occasion, son poste de vice-président de l’UEFA. Le “patron du foot espagnol” a pourtant tenté de s’accrocher. Mais la vague d’indignation provoquée par son geste, largement perçu comme une agression sexuelle, a été plus forte. La nouvelle est célébrée comme une victoire du droit des femmes face au machisme dans le milieu du sport et à l’impunité de ses hauts cadres.
”Un baiser entre deux amis”
Dimanche 20 août, alors que les joueuses de la sélection féminine viennent de remporter le mondial de football féminin, en Australie, les caméras filment Luis Rubiales qui attrape la tête de “Jenni” Hermoso entre ses deux mains pour poser un baiser sur ses lèvres. “Je n’ai pas aimé hein ! Mais qu’est-ce que tu voulais que je fasse”, commente cette dernière, peu après, dans un live Instagram, laissant entendre qu’elle n’a pas vraiment eu le choix. “Ne nous préoccupons pas des idiots qui ne savent pas voir le bon côté des choses. Un baiser entre deux amis en pleines célébrations, il y en a eu d’autres et il y en aura encore”, répond alors le président de la RFEF face aux critiques qui commencent à poindre. La fédération, elle, présente l’acte comme mutuellement consenti. Version démentie par la footballeuse.
Une vague de protestations se met alors à déferler sur les réseaux sociaux. Les médias emboîtent le pas, les politiques suivent. Les appels à la démission se multiplient dans les jours suivants, jusque dans la bouche du Premier ministre Pedro Sánchez. Mais le vendredi 25 août, le “patron du foot espagnol” comparaît devant une assemblée générale extraordinaire de sa fédération et assène : “Je ne vais pas démissionner !”, à cinq reprises, sous les applaudissements de l’audience. “Vous trouvez que c’est grave au point de subir la chasse dont je suis victime ? Au point que je m’en aille alors que j’ai eu la meilleure gestion de l’histoire du football espagnol ?”, a-t-il lancé, accusant un “faux féminisme, cette plaie pour le pays”, de préparer son “exécution sociale”.
Déjà accusé au moins une dizaine de fois de corruption, d’abus de pouvoir ou autres comportements déplacés depuis, Rubiales avait, jusque-là, réussi à se maintenir.
Une tempête d’indignation en réaction à une attitude crâne
Cette fois, la pression était trop forte. Son attitude, vendredi 25 août, a déclenché une tempête qui n’a cessé d’aller crescendo. Les joueuses de la sélection espagnole refusent depuis lors de répondre à toute convocation de la RFEF “tant que les dirigeants actuels seront en poste”. Une partie du “staff technique lui tourne le dos. La FIFA le suspend pour 90 jours. Le gouvernement demande au Tribunal administratif du sport (TAD) d’étudier les faits comme une faute “très grave”. L’opposition de droite, aussi, critique durement Rubiales.
Les présidents de fédérations régionales et territoriales demandent la démission, lundi 28 septembre. La semaine suivante, la sélection masculine qualifie l’attitude de Rubiales “d’inacceptable”. La quasi-totalité des médias se positionne contre lui (sauf les titres proches de l’extrême droite, qui le défendent). Selon un sondage publié le même jour par l’institut 40 DB, 72 % des Espagnols considèrent rejettent l’attitude de Rubiales.
Dépôt de plainte
Sur le plan judiciaire de l’affaire, le parquet ouvre une enquête sur une présomption d’“agression sexuelle”. Avec la nouvelle loi sur le consentement explicite, si Hermoso n’a pas exprimé son accord de façon évidente, l’acte de Rubiales est considéré comme une agression sexuelle. La footballeuse finit d’ailleurs par déposer plainte le mardi 5 septembre, comme le parquet l’invitait à le faire.
“Avec l’ensemble des procédures engagées contre moi, il est évident que je ne pourrais pas revenir à mon poste. M’accrocher n’apportera rien de bon, ni à la fédération, ni au football espagnol”, a fini par reconnaître Luis Rubiales dans une lettre ouverte publiée sur X (nouveau nom de Twitter), ce dimanche 10 septembre. “J’ai foi en la vérité, et je ferai tout ce qui est entre mes mains pour qu’elle prévale. Ma famille et les gens qui m’aiment ont souffert d’un acharnement démesuré contre moi, et de nombreuses contre-vérités.”
“Et maintenant ?”, s’interroge pour sa part Miguel Ángel Galán, directeur du Centre national de formation des entraîneurs de football. La chute de Rubiales améliorera-t-elle la situation si les choses ne changent pas en profondeur dans les instances qui régissent le ballon rond, presque exclusivement masculines ? “Cela fait 100 ans qu’il y a des hommes à la tête de la RFEF. Maintenant, il faut une femme”, tranche le formateur, sur X.