Haut-Karabakh : un camion de la Croix-Rouge russe est parvenu à Stepanakert, sur fond de tensions géopolitiques
Le 12 septembre, un camion de la Croix-Rouge russe a pénétré dans Stepanakert, capitale de la République autoproclamée du Haut-Karabakh. Une victoire diplomatique pour la Russie, qui réaffirme sa préséance géopolitique régionale. Quelque 120 000 personnes restent cependant toujours prises au piège du blocus mis en place par l’Azerbaïdjan.
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- Publié le 18-09-2023 à 11h26
- Mis à jour le 18-09-2023 à 11h27
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Ce mardi 12 septembre, un camion de la Croix-Rouge russe a pénétré, via la route d’Aghdam, dans Stepanakert, capitale de la République autoproclamée du Haut-Karabakh. Une victoire diplomatique pour la Russie, qui réaffirme sa préséance géopolitique régionale. Mais qui n’arrange ni ne nourrit les 120 000 personnes prises au piège du blocus azéri.
Aghdam contre Latchine
Les autorités du Haut-Karabakh avaient jusqu’alors refusé d’accepter l’aide humanitaire si celle-ci transitait par la route d’Aghdam, donnant sur l’Azerbaïdjan. Accepter d’ouvrir cette route, revenait en effet à acter la fermeture du corridor de Latchine et à se couper définitivement de la seule liaison à l’Arménie.
Pressé par l’urgence de la situation, le nouveau Président de la république Samvel Shahramanyan, réputé plus proche de la Russie que son prédécesseur démissionnaire Arayik Haroutiounan, a fini par accepter cette aide sporadique. Un communiqué daté du 9 septembre de l’agence d’information du gouvernement du Haut-Karabakh, annonçant le passage du camion, déclarait ainsi qu’un accord avait été trouvé dans le même temps afin de rouvrir le corridor de Latchine aux convois humanitaires. À l’heure où nous écrivons ces lignes, rien n’indique cependant que c’est effectivement le cas.
La Russie, un allié défaillant
Garant de la paix de 2020 avec ses deux mille soldats déployés dans le Haut-Karabakh et sur le corridor de Latchine, la Russie, “dépassée par ses échecs en Ukraine n’a certainement pas sa priorité dans le Haut-Karabakh”, analyse Richard Garossian, directeur du Centre d’études régionales de l’Université d’Erevan. Ni l’installation d’un checkpoint azéri sur le corridor de Latchine en avril, ni les incessantes provocations frontalières (lire ci-contre) n’ont fait bouger le Kremlin d’un petit doigt ces derniers mois.
L’Arménie se reposait jusqu’ici sur son amitié avec la Russie pour assurer sa sécurité. Sa base militaire de Gyumri, dans le nord du pays, ainsi que les intérêts russes dans le Caucase étaient les tenants d’une alliance que l’on imaginait indestructible. Alliance déçue, qui pousse désormais l’Arménie “à diversifier ses partenaires afin de surmonter une dépendance trop forte à la Russie”, poursuit Richard Garossian.
Tenaillé entre la Turquie à l’ouest et l’Azerbaïdjan à l’est (les ennemis de toujours), l’Arménie a ainsi opéré un virage à 90 degrés en passant de la Russie à l’Otan. Cependant, “l’Arménie n’est pas la Géorgie, avertit Richard Garossian, elle ne cherche pas à rejoindre l’Otan pour résoudre tous ses problèmes”. Les rapprochements avec l’Occident se multiplient néanmoins : déploiements d’observateurs de l’UE à la frontière, envoi d’aide humanitaire à l’Ukraine, exercices militaires conjoints “Eagle Partner” avec les États-Unis du 11 au 20 septembre. L’ouverture prochaine d’une ambassade belge à Erevan s’inscrit dans ce même mouvement de diversification.
Le retour de Moscou
Cette stratégie a récemment poussé la Russie à se réveiller. Selon Richard Garossian, “l’Azerbaïdjan est de plus en plus isolé diplomatiquement et recherche une manière d'aboutir à une désescalade les tensions tout en gardant la face”. En parvenant à forcer les autorités du Haut-Karabakh à accepter l’aide humanitaire russe via la route d’Agdam, l’Azerbaïdjan tente de dédramatiser une situation dont il est pourtant responsable. La Russie, elle, démontre son autorité en récupérant son statut de médiateur dans la région.
Au Haut-Karabagh, la population est plus que jamais prise en otage par un sinistre jeu où l’humanitaire est devenu le principal atout. Sans une réouverture stabilisée du corridor de Latchine, les Arméniens du Haut-Karabakh sont en effet condamnés à la soumission à la dictature azérie ou à l’exil.