Burundi: quinze ans de prison requis contre quatre journalistes qui avaient voulu couvrir une attaque à la frontière
Ils travaillent pour le dernier grand média indépendant du pays. Ils avaient voulu couvrir une attaque armée à la frontière congolaise.
Publié le 02-01-2020 à 18h05 - Mis à jour le 02-01-2020 à 18h06
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Ils travaillent pour le dernier grand média indépendant du pays. Ils avaient voulu couvrir une attaque armée à la frontière congolaise.
C’est dans un mois que l’on connaîtra le verdict du tribunal de grande instance de Bubanza (nord-ouest du Burundi) à l’encontre de quatre journalistes d’Iwacu, dernier grand média indépendant du pays. Celui-ci est plongé dans une crise multiforme depuis que le président Pierre Nkurunziza a décidé de se présenter à un troisième mandat expressément interdit par l’Accord de paix d’Arusha, qui avait mis fin à la guerre civile (1993-2005 ; 300 000 morts).
Ils avaient été arrêtés alors qu’ils couvraient l’incursion de rebelles burundais Red-Tabara depuis le territoire congolais voisin, le 22 octobre dernier, avec leur chauffeur. Ce dernier sera remis en liberté provisoire en novembre.
Les autorités dûment averties
Le procureur général Sylvestre Nyandwi avait indiqué dans un communiqué, début novembre, que nos confrères étaient poursuivis parce qu’ils se trouvaient "sur la colline où se déroulaient les affrontements et les faits à la disposition du ministère public montrent qu’ils pourraient avoir eu à l’avance des informations". Iwacu avait défendu ses journalistes en soulignant qu’en se rendant à Bubanza, ils avaient dûment averti les autorités provinciales de leur arrivée ; ils avaient été arrêtés lorsqu’ils avaient débarqué.
Accusés de "complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État", ils ont comparu lundi. Lors de son réquisitoire, le procureur a basé son argumentation sur un message Whats-App qui aurait été envoyé par une des quatre journalistes à un confrère à l’étranger, indiquant : "Nous nous dirigerons vers Bubanza […] pour aider les rebelles", rapporte l’AFP.
Le procureur a réclamé 15 ans de prison pour les quatre personnes, ainsi que 20 ans de privation des droits civiques et la saisie de l’équipement des journalistes. Ces derniers ont reçu l’appui de Reporters sans frontières et de Human Rights Watch, qui ont demandé leur libération pour n’avoir fait que leur travail.
Museler toute la presse pour les élections de mai
Ce procès survient alors que le Burundi attend des élections générales le 20 mai prochain, pour lesquelles le régime CNDD-FDD est très mal parti. Au harcèlement incessant des membres des partis d’opposition, entravés dans toutes leurs démarches et souvent poursuivis en justice sous divers prétextes, s’ajoute une désaffection notable dans les rangs des militaires. Le tout créant une atmosphère de fin de règne.
Arrivés au pouvoir par élection en 2005, le CNDD-FDD et le président Pierre Nkurunziza se sont considérablement durcis depuis 2015, au point de faire l’objet de plaintes devant la Cour pénale internationale (CPI).
Le 21 novembre dernier, le ministre de l’Intérieur Pascal Barandagiye avait déclaré en kirundi à des journalistes, à la sortie d’une réunion de sécurité avec les gouverneurs de provinces et les cadres de la police : "Il ne faut pas tout dire. Vous devrez vous ranger du côté du gouvernement pendant cette période électorale." Dans cette optique, les efforts remarqués du journal Iwacu pour offrir une information fiable ne peuvent manquer de gêner. Les autres médias indépendants avaient été détruits en 2015 et leurs journalistes travaillent en ligne depuis l’exil.