Les anciens présidents des chambres congolaises veulent une coquette pension
Aubin Minaku, le dernier président de l’Assemblée nationale à avoir abandonné le perchoir, est aux commandes.
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Publié le 19-03-2020 à 14h41 - Mis à jour le 19-03-2020 à 14h48
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Aubin Minaku, le dernier président de l’Assemblée nationale à avoir abandonné le perchoir, est aux commandes.
Ils étaient cinq, ce lundi 16 mars, présents pour recevoir les hommages dus à leur rang à l’occasion de la rentrée parlementaire.
Cinq anciens présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat (le cardinal Monsengwo, Thomas Luhaka, Vital Kamerhe, Evariste Boshab et Aubin Minaku - Azarias Ruberwa était présent en tant qu’ancien vice-président de la République) célébrés comme il se doit par les élus très majoritairement issus des rangs du FCC, la plateforme politique de Joseph Kabila. Cinq personnalités qui ont œuvré pour le bien du pays et qui entendaient ce lundi recevoir non seulement une ovation des élus mais surtout la promesse de recevoir bientôt les émoluments liés à leur ancienne charge.
En juillet 2018, alors que le pays se prépare à la présidentielle et aux législatives, avec deux ans de retard, des machines à voter douteuses et des listes électorales tout aussi sujettes à caution, le pouvoir kabiliste (Aubin Minaku gère alors le perchoir de l’Assemblée nationale) fait passer une loi taillée sur mesure pour Joseph Kabila. La loi du 26 juillet 2018 "portant statut des anciens présidents de la République élus" est confectionnée pour assurer les arrières du président de l’époque, l’Autorité morale du PPRD. Mais, Aubin Minaku, formé chez les jésuites et les salésiens du Zaïre, n’a pas oublié la parole de saint Pierre qui veut que "charité bien ordonnée commence par soi-même". Adossée à cette loi sur le statut des anciens présidents élus, on trouve ainsi la loi fixant "les avantages accordés aux anciens chefs des corps constitués".
Le chapitre III de ce texte de loi prévoit les avantages et devoirs reconnus aux anciens présidents des deux chambres du Parlement.
Une très longue et onéreuse liste
L’article 19 de cette loi énumère les avantages dont pourront jouir ces anciens présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat : indemnité mensuelle, indemnité de logement, prise en charge de la sécurité, passeport diplomatique pour eux, leur conjoint et leurs enfants mineurs, un vol en business class, des soins de santé pris en charge par le trésor public, au pays ou à l’étranger, 2 véhicules (renouvelable une fois).
La loi passée en juillet 2018 a mis du temps à sortir ses effets suite à la présidentielle et au temps nécessaire à l’installation du nouveau gouvernement issu de la coalition FCC - Cach (cette dernière plateforme réunit essentiellement l’UDPS de Tshisekedi et l’UNC de Kamerhe). Du coup, les anciens présidents des deux chambres ont dû ronger leur frein. Pour aider le nouveau gouvernement congolais, une structure a été créée, portée à bout de bras par Aubin Minaku, éternel zélote de Kabila qui a vu s’envoler ses rêves de gloire quand Emmanuel Shadary fut désigné dauphin du raïs, avant de devoir céder le perchoir à Jeanine Mabunda après le passage par les urnes.
Cette nouvelle structure, baptisée "Collectif des anciens présidents de l’Assemblée nationale en RDC", a ainsi vu le jour et s’est fendu sans tarder d’un courrier au Premier ministre Sylvestre Ilunga, le 26 août 2019, pour lui rappeler l’existence de cette loi de juillet 2016, regretter qu’elle n’ait toujours pas été appliquée et susurrer ce qu’il faudrait prévoir dans le prochain budget national pour satisfaire les appétits des anciens hauts représentants de l’État (tous ces anciens présidents ne sont pas signataires et donc membres de ce collectif).
Ce courrier prévoit ainsi que l’indemnité mensuelle soit égal à 75 pour cent de la "prime de gestion du président en exercice", il évoque aussi la somme de 120 000 dollars pour les frais de logement (soit 10 000 dollars par mois), le salaire des policiers commis à leur sécurité, des billets d’avion en business class et même 160 000 dollars pour deux véhicules.
Sans le véhicule, chaque ancien président de chambre nationale coûte donc plus de 400 000 dollars à l’État congolais. Pour les cinq personnes présentes sur l’estrade de l’Assemblée nationale ce lundi, il faut donc prévoir un budget de 2 millions de dollars annuels, somme qui se gonfle de près de 650 000 dollars en cas d’achat des véhicules.
Plus de 2,6 millions de dollars pour 5 "ex-présidents", sachant que d’autres (comme Philomène Omatuku) sont aussi membres de cette confrérie composée essentiellement de cadres du parti, en perte de vitesse, de l’ancien président (PPRD), cela représente une coquette somme dans un budget congolais famélique et alors que le FMI, qui scrute de près le fonctionnement de l’État congolais, ne cesse de prôner l’orthodoxie budgétaire, les coupes dans les dépenses et de nouvelles pistes pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État.
Pas certain que le spectacle de ces anciens présidents venus "recueillir des applaudissements tout en passant à la mangeoire", selon l’expression d’un des témoins de la scène, soit du goût de l’institution financière, ni du peuple congolais qui peine chaque jour un peu plus pour survivre.