Un étrange mouvement rebelle écrasé dans le sang dans le Haut-Katanga
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- Publié le 30-03-2020 à 13h37
- Mis à jour le 30-03-2020 à 13h38
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Une attaque coordonnée a été menée par la milice du rebelle Gédéon dans quatre villes du Katanga.
Depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, les hommes du mouvement Kata Katanga (en faveur de l’indépendance du Katanga) de Gédéon Kyungu, bandit de grand chemin, condamné à mort en 2010 pour crime de guerre et contre l’humanité pour les atrocités commises à la tête de sa milice Maï-Maï dans le nord du Katanga, faisaient planer la menace d’une attaque sur la ville de Lubumbashi.
Gabriel Kyungu (ancien gouverneur de la province du Katanga, sans lien de famille avec Gédéon Kyungu) et Jean-Claude Muyambo, ancien bâtonnier de Lubumbashi, ont plusieurs fois alerté ces derniers jours les autorités de la capitale du Haut-Katanga contre le risque que faisaient courir ces hommes pour la paix de la ville et de la province. Pour toute réponse, la résidence de Gédéon Kyungu, située dans un des quartiers huppés de Lubumbashi (celui du Golf) avait été placée sous surveillance.
Une surveillance qui n’a pas suffi à empêcher, ce samedi 28 mars aux aurores (la ville vivait son premier week-end de couvre-feu de 22 heures à 5 heures du matin), les hommes de la milice Kata Katanga de tenter un coup de force à Lubumbashi mais aussi à Likasi, Pweto et Kolwezi.
À Lubumbashi, capitale du Haut-Katanga, plusieurs dizaines de jeunes gens, la plupart sans arme, ont commencé à marcher dans le quartier Golf Malela. Les forces de l’ordre sont rapidement intervenues, des échanges de coups de feu ont été entendus peu après 6 heures.
L’armée a rapidement pris le dessus sur ces hommes en guenilles et la plupart désarmés. "De nombreux corps étaient allongés par terre", expliquait samedi matin un témoin contacté à Lubumbashi par La Libre. "La plupart des victimes ne disposaient d’aucune arme. Ils avançaient en chantant. Quelques-uns disposaient de vieilles mitraillettes, de vieux fusils et de machettes. Ils n’ont pas fait le poids quand les militaires sont arrivés. La fusillade n’a pas duré bien longtemps".
Un policier tué à Likasi
Des témoignages sont aussi arrivés de la ville de Likasi. Ici aussi, les Kata Katanga ont tenté une opération qui a tourné au fiasco. La milice a attaqué le centre de détention de la commune de Kikula (une des quatre communes de Likasi) pour libérer les détenus. Comme à Lubumbashi, l’armée est rapidement intervenue et les rebelles ont rapidement été défaits. Différents témoignages font état d’au moins 15 morts à Likasi dans les rangs des assaillants. Un policier, qui se trouvait de faction au centre de détention, a été tué après avoir été torturé.
Au total, une quarantaine de membres du mouvement Kata Katanga ont été abattus samedi matin et au moins autant arrêtés.
Où est passé Gédéon ?
Si de nombreux "rebelles" ont été appréhendés, pas la moindre trace de leur chef, Gédéon Kyungu. L’homme avait fait sensation en 2015, après moult rebondissements, en réapparaissant drapé dans un T-shirt à l’effigie de Joseph Kabila. Depuis, ce chef de milice sanguinaire, toujours sous l’effet de sa condamnation à mort, a été signalé dans plusieurs endroits du pays dès que des troubles ont éclaté (comme au Kasaï). Gédéon jouit donc d’une impunité surprenante qui s’accompagne d’une étonnante largesse de la part des proches de Joseph Kabila lorsqu’il s’agit de loger et de faire vivre cet homme et sa garde rapprochée dans un des quartiers les plus prisés de Lubumbashi.
L’ombre du général Numbi
Le chef rebelle a donc disparu sans laisser de traces, ou presque. Jeudi dernier, deux jours avant ces attaques, alors que sa maison lushoise était sous surveillance, Gédéon Kyungu a pris la poudre d’escampette. Plusieurs témoignages affirment que le rebelle a été emmené dans la ferme d’un autre personnage sulfureux de la kabilie, le général John Numbi, placé, lui, sur la liste des personnes sanctionnées par les États-Unis et l’Union européenne et accusé d’être le commanditaire de l’assassinat de Floribert Chebeya, défenseur congolais des droits de l’homme.
John Numbi - Gédéon Kyungu, un attelage qui ramène aux heures les plus sombres du pouvoir de Joseph Kabila. Un ex-président qui démontre ainsi que ses hommes ont conservé un large pouvoir de nuisance et des capacités d’action réelles. En effet, les "milices" de Kyungu sont parvenues à lancer un mouvement coordonné dans quatre grandes villes du Katanga. Par contre, ce qui pose question, c’est la motivation d’envoyer à une mort certaine des dizaines de va-nu-pieds pratiquement désarmés. Que pouvait espérer Gédéon de cette action suicidaire ?Hubert Leclercq