Burundi: la victoire du candidat officiel annoncée
Publié le 25-05-2020 à 22h17 - Mis à jour le 26-05-2020 à 08h28
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Opposition et société civile dénoncent des fraudes massives.
Comme on s’y attendait, les autorités burundaises ont annoncé la victoire du parti au pouvoir depuis 2005, le CNDD-FDD, et de son candidat à la présidence, le général major Evariste Ndayishimiye, alors que certains diplomates, la société civile et le principal parti rival, le CNL d’Agathon Rwasa, dénoncent des fraudes massives.
L’officier aurait gagné la présidentielle avec 68,72 %, contre 24,19 % à son principal rival, Agathon Rwasa. Aux législatives, le CNDD-FDD obtiendrait 72 des 100 sièges, le CNL 27 et l’Uprona (ex-parti unique) un seul. Les résultats des communales sont attendus sine die.
Le CNL a dénoncé des fraudes. On note ainsi que Rwasa n’obtiendrait que 24,6 % des voix à Kabezi (Bujumbura-rural), un de ses fiefs, alors que ses meetings ont drainé des foules impressionnantes dans tout le pays durant la campagne, malgré les risques de représailles, alors que les meetings CNDD-FDD attiraient de moins en moins de public.
Le CNL a publié ses propres résultats: 58,98 % à la présidentielle ; 57,08 % aux législatives et 57,58 % aux communales.
Très nombreuses irrégularités
Des ONG et l’opposition ont dénoncé, avant et durant la campagne électorale déjà, de nombreuses irrégularités : le fichier électoral n’a pas été rendu public, ce qui a empêché les citoyens de vérifier qu’ils étaient bien inscrits ; les observateurs ont été largement écartés ; la campagne électorale s’est faite dans un climat de violence et d’intimidation de l’opposition.
Le jour des élections présidentielle, législatives et communales, le 20 mai, les réseaux sociaux ont été coupés ; il était interdit de prendre des photos dans les bureaux de vote ; selon le CNL, on a fait voter des morts, des mineurs d’âge et des personnes en exil ; certains ont reçu "jusqu’à 50 procurations" et des cartes d’électeurs que l’administration avait refusé de donner à des personnes connues comme pro-CNL ont été distribuées à d’autres ; des partisans du parti au pouvoir ont, à certains endroits, pénétré de force dans les isoloirs pour vérifier que les électeurs votaient pour le "bon" candidat ; les mandataires de l’opposition se sont vu confisquer leur accréditation pour pénétrer dans les bureaux de vote ou en ont été empêchés malgré leur accréditation.
Dans une interview à Iwacu - dernier grand média indépendant du pays - Agathon Rwasa ajoute que des mandataires d’opposition ont dû signer des P.-V. vierges et qu’il y a eu "bourrage d’urnes" ; il cite le cas de Giteranyi (province de Muyinga), où 100 000 voix ont été comptées alors qu’il n’y a, selon lui, que 65 000 électeurs. Ceux qui ont dénoncé les abus, indique le chef du CNL, ont été emprisonnés, comme Pascal Nahayo, officier de l’armée en poste à Kabezi (province de Bujumbura-rural).
Que fera l’électorat CNL ?
La grande question est maintenant de savoir comment va réagir l’électorat CNL. Agathon Rwasa a assuré au journal Iwacu qu’il allait "saisir les organes habilités à trancher" soit la Cour constitutionnelle, tout en rejetant une marche "de compromission en compromission, dans cette situation où les criminels bénéficient de l’impunité totale".
Le porte-parole de l’opposant, Aimé Magera, assure que certains mandataires CNL ont des P.-V. de résultats électoraux "authentiques" et que le parti "se réserve le droit d’en faire bon usage". Mais la Cour constitutionnelle burundaise passe pour acquise au CNDD-FDD.
En appeler à une cour de justice non burundaise - de l’East African Community ou de la Cour pénale internationale, par exemple - prend tant d’années qu’elle pourrait n’avoir aucun effet sur le mandat du général major Ndayishimiye, prévu long de sept ans depuis la dernière réforme constitutionnelle.
Rwasa va-t-il dès lors "se coucher", comme il l’avait fait aux élections controversées de 2015, en échange de postes pour son parti ? Si oui, sa base, brutalisée régulièrement par les forces pro-CNDD-FDD, le supportera-t-elle ? Le CNL va-t-il se lancer à nouveau dans la lutte armée organisée ?