Des renforts aériens russes pourraient marquer une nouvelle escalade armée en Libye
Selon l’armée américaine, la Russie a acheminé des avions de chasse sur le sol libyen pour appuyer le camp Haftar.
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Publié le 28-05-2020 à 13h53 - Mis à jour le 28-05-2020 à 17h23
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Selon l’armée américaine, la Russie a acheminé des avions de chasse sur le sol libyen pour appuyer le camp Haftar.
Le déploiement d’avions de chasse russes en territoire libyen, annoncé mardi par l’armée américaine, pourrait marquer une nouvelle escalade armée dans la seconde guerre civile libyenne. Voire changer le cours de celle-ci, en modifiant la physionomie des forces en présence, engagées depuis avril 2019 dans une bataille pour le contrôle de Tripoli. La capitale libyenne, où siège le gouvernement d’accord national (GNA) de Fayez al Sarraj (reconnu par l’Onu), est assaillie par les troupes du maréchal Khalifa Haftar, un assemblage d’anciens soldats et de milices autoproclamé Armée nationale libyenne (ANL).
D’après les informations du Commandement américain pour l’Afrique (Africom), la Russie a acheminé des avions de combat de type Mig et Sukhoï en guise de renforts aux forces paramilitaires russes qui appuient les forces d’Haftar. Un déploiement opéré au mépris de l’embargo de l’Onu sur les armes à destination de la Libye, où deux autorités politiques se disputent toujours le pouvoir près de neuf ans après la chute du dictateur Mouammar Kadhafi.
Un renfort aérien précieux
Les États-Unis ont suivi à la trace le parcours de ces avions depuis la Russie, pour constater qu’ils ont transité via l’Iran et la Syrie, où ils ont été repeints pour dissimuler leur origine russe.
L’armée américaine estime qu’une "nouvelle campagne aérienne" se prépare avec "des pilotes mercenaires russes volant à bord d’appareils fournis par la Russie pour bombarder les Libyens" et prendre le contrôle de bases aériennes sur la côte. D’après les Américains, ces avions sont probablement destinés à "apporter un appui aérien rapproché et des tirs offensifs au groupe Wagner". La présence en Libye de mercenaires de cette société privée russe est confirmée par un rapport des Nations unies mais toujours démentie par la Russie. Cette organisation paramilitaire russe constitue l’un des appuis extérieurs, avec celui des Émirats arabes unis, aux troupes du maréchal Haftar.
L’homme fort de la Cyrénaïque (la grande province de l’Est du pays) a entrepris dès 2014 de débarrasser la Libye des milices islamistes. Or celles-ci assurent la défense et le contrôle de la capitale pour le compte du GNA, appuyé et armé par la Turquie - là aussi au mépris du droit international.
Ce renfort aérien pourrait s’avérer précieux pour l’autoproclamée Armée nationale libyenne. Car si elle marque le pas dans son objectif de prendre le contrôle de Tripoli, c’est notamment du fait de la maîtrise aérienne des troupes du camp adverse.
Ce déploiement, qui pourrait changer cette donne, survient à une moment charnière. Les troupes du maréchal Haftar ont subi ces dernières semaines plusieurs déconvenues dans le sillage de leur assaut sur la capitale. Ce lundi, le GNA a annoncé que des centaines de mercenaires de la société russe avaient été évacués vers une base de Bani Walid, à environ 170 kilomètres au sud-est de la capitale, où ils seraient entre 1 500 et 1 600. Un repli stratégique qui pourrait servir à prendre possession de divers matériels militaires et munitions acheminés là dimanche par voie aérienne, d’après la même source. Un avion-cargo aurait évacué des mercenaires vers une destination inconnue.
Une autorité libyenne unifiée
Le week-end passé, le GNA avait aussi annoncé avoir repris trois importants camps militaires dans la banlieue sud de Tripoli à l’ANL et ses alliés russes. Mi-avril, ces derniers avaient déjà perdu le contrôle de deux villes côtières à l’ouest de Tripoli, situées à mi-chemin entre la capitale et la frontière tunisienne.
L’appui aérien russe survient alors que la Russie continue de proposer ses bons offices pour une résolution diplomatique du conflit libyen. Le chef de la diplomatie russe Serguei Lavrov a indiqué mardi appuyer un cessez-le-feu immédiat et des pourparlers visant à aboutir à des autorités unifiées. Un message adressé au président de la Chambre des représentants libyenne, Aguila Saleh Issa, appui politique de l’ANL.
Si le Kremlin n’avait toujours pas réagi mercredi en fin de journée à l’annonce de ces renforts militaires, le vice-président de la commission des Affaires étrangères du Conseil de la Fédération (la chambre haute du Parlement russe) s’est chargé de démentir l’information américaine.