Conflit libyen: un incident en Méditerranée expose les faiblesses de l’opération européenne
Entre la Russie et la Turquie, qui s’opposent dans le désastre libyen, s’imposant ainsi comme les deux poids lourds du conflit à même de le résoudre, l’Union européenne peine à faire entendre sa voix.
Publié le 12-06-2020 à 07h58 - Mis à jour le 12-06-2020 à 07h59
Entre la Russie et la Turquie, qui s’opposent dans le désastre libyen, s’imposant ainsi comme les deux poids lourds du conflit à même de le résoudre, l’Union européenne peine à faire entendre sa voix.
Pour tenter de mettre fin (ou du moins d’apaiser) cette guerre civile qui se déroule à ses portes, les Vingt-sept ont mis sur pied, non sans difficulté, l’opération aérienne, satellitaire et terrestre intitulée Irini (paix, en grec) pour surveiller le respect de l’embargo de l’Onu sur les armes en Libye. Un incident survenu mercredi en Méditerranée met cependant en lumière les faiblesses de cette opération, déployée en mer le 7 mai dernier.
Mercredi matin, une frégate grecque nommée Spetsai, opérant dans le cadre de l’opération Irini, s’est approchée du navire Cirkin, battant pavillon tanzanien, alors qu’il se dirigeait vers le sud-ouest de la Crète, en direction de la Libye. Suspectant le navire de transporter des armes, "le commandant italien de la force européenne a ordonné au commandant de la frégate grecque de déployer un hélicoptère pour contrôler le navire", rapporte CNN Greece . Lorsque l’hélicoptère s’est approché, une frégate turque qui accompagnait Cirkin lui a indiqué que "le navire turc se trouv[ait] sous la protection de la République turque". Le commandant italien a alors donné l’ordre de s’éloigner, laissant ainsi ce navire continuer sa route.
Interrogé au sujet de cet incident, Peter Stano, porte-parole de la Commission, a tout d’abord rappelé mercredi que l’opération Irini avait permis d’inspecter 75 navires depuis mai dernier et qu’à "plusieurs occasions elle a été en mesure de dissuader ou d’empêcher la contrebande de pétrole en provenance ou en direction de la Libye".
Cependant, M. Stano a affirmé que, en "l’absence d’une réponse affirmative" de la part du Cirkin, le contrôle du navire n’a pas pu être réalisé et le panel d’experts de l’Onu - dont le Conseil de sécurité a décidé dimanche dernier de prolonger l’embargo sur les armes d’un an - en a été informé.
Ainsi l’opération Irini n’est-elle en mesure de contrôler un navire qu’avec l’accord de celui-ci ? "Oui", a répondu M. Stano. Cela soulève bien des questions, dont celle, évidente, sur la disposition des navires transportant effectivement des armes vers la Libye à se laisser contrôler. De quoi remettre en doute l’efficacité et l’utilité de cette opération. "Mais que pouvons nous faire d’autre ?", s’était récemment interrogé Josep Borrell dans un entretien à La Libre Belgique : "Bien sûr, cet embargo est violé chaque jour par tout le monde. Nous faisons tout pour surveiller le respect de cet embargo dans les airs et en mer. Mais nous ne pouvons pas déployer des troupes sur le territoire de la Libye."
Et de concéder : "La Russie et la Turquie sont devenues les deux acteurs les plus importants sur le terrain. Ce n’est pas confortable pour nous, en tant qu’Européens."