Le nouveau premier ministre Hichem Mechichi se lance à l’assaut des multiples crises qui sévissent en Tunisie
Le Premier ministre a obtenu mardi soir la confiance du Parlement. Son gouvernement aura fort à faire entre les défis urgents et les tensions politiques.
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Publié le 03-09-2020 à 12h43 - Mis à jour le 06-01-2021 à 19h29
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Grâce au vote de confiance du Parlement mardi soir, la Tunisie dispose d’un nouveau gouvernement de plein exercice. Celui-ci a obtenu 134 voix sur les 217 de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Un appui dont le Premier ministre Hichem Mechichi s’est déclaré "fier", lui qui n’est pas issu du sérail politique. Ce haut fonctionnaire de 46 ans ne revendique comme expérience de mandataire public que ses six mois passés au poste de ministre de l’Intérieur. Une mission qui vient de s’achever avec la dissolution effective du gouvernement d’Elyas Fakhfakh, qui avait démissionné en juillet sur fond de tensions politiques et de conflit d’intérêts. Comme son prédécesseur, Hichem Mechichi va s’atteler à résoudre les problèmes économiques du pays, en essayant de maintenir son équipe de vingt-huit ministres à l’abri des tiraillements politiques.
Ceux-ci se sont multipliés ces derniers mois entre le président de la République, l’indépendant Kais Saïed, et une assemblée parlementaire éclatée en une multitude de partis antagonistes aux programmes parfois pas si dissemblables. Ces tensions avaient déjà eu raison du candidat proposé par le parti islamiste Ennahda, dominant à l’Assemblée (avec 52 sièges), suite au scrutin législatif d’octobre 2019.
Fin de "l’union nationale"
Le gouvernement Mechichi, le second à entrer en fonction depuis les élections, rassemble comme son prédécesseur des "technocrates", responsables issus de la haute administration, du monde académique, de la magistrature et du secteur privé. C’est aussi le second depuis la révolution de janvier 2011 à ne pas être affublé de l’étiquette "d’union nationale".
Le fait qu’il sera confronté à une opposition consistante est d’ailleurs l’un des dangers qui guettent cet exécutif, tout comme le précédent. "Une situation naturelle dans les démocraties établies mais insolite en Tunisie, où chaque gouvernement depuis 2011 a tenté de rallier la majorité parlementaire la plus large possible", relève le politologue Zied Boussen, chercheur associé à l’Initiative de réforme arabe - un cercle de réflexion basé à Paris - dans un rapport de juin dernier.
Le chef de gouvernement risque aussi de pâtir de la précarité de la majorité parlementaire qui l’appuie, n’étant pas issu de celle-ci et tenant son rôle "du soutien octroyé par plusieurs partis politiques qui ne relèvent pas nécessairement d’une même ligne politique", poursuit le chercheur.
La pression que risque d’exercer le président Kais Saïed, qui l’a porté à ce poste, représente un autre facteur de tensions, vu les défis urgents qu’imposent la crise économique et le chômage (évalué à 18 %). Le gouvernement aura aussi la lourde tâche de reprendre les discussions avec le Fonds monétaire international (FMI), dont le programme quadriennal a expiré au printemps.
Fin de "l’hémorragie"
À cet égard, Hichem Mechichi propose un programme ambitieux. Il entend mettre un terme à "l’hémorragie" des finances publiques, réformer l’administration, préserver le pouvoir d’achat, protéger les plus démunis, ainsi que relancer la production de pétrole et de phosphates, paralysée par de nombreuses grèves ces derniers mois.
Néanmoins, l’appui des deux premiers partis du Parlement - Ennahda et Qalb Tounes, la formation du nabab Nabil Karoui (90 sièges à eux deux) - peut laisser penser que la quête de compromis avec M. Mechichi l’emportera sur la dissolution de l’Assemblée. Le président de celle-ci, l’islamiste Rached Ghannouchi, s’est d’ailleurs dit certain de la "réussite" de l’exécutif dans son action visant à résoudre "les problèmes économiques, sanitaires, sécuritaires". Tout en précisant que, par son vote de confiance, "l’Assemblée a montré qu’elle est au cœur du pouvoir dans le pays". Une nouvelle flèche décochée vers le président Saïed.