Un vent d’unité se lève sur le désert libyen: vers une autorité centrale unifiée?
Des pourparlers entre les deux camps rivaux évoluent vers une autorité centrale unifiée. Une "feuille de route" prévoit des élections parlementaires et présidentielles. L’assassinat d’une avocate souligne l’urgence de mettre fin aux violences contre les civils.
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Publié le 04-11-2020 à 19h19 - Mis à jour le 13-11-2020 à 13h26
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Cinq ans après une initiative similaire, les deux camps rivaux en Libye sont en passe de s’entendre pour dépasser leurs divergences et mettre en place une autorité centrale unifiée. Une "feuille de route préliminaire", acceptée par les délégués des deux camps lors de pourparlers en Tunisie sous l’égide de l’Onu, prévoit la création d’un exécutif unifié et l’organisation d’élections dans un délai maximal de dix-huit mois. Ce projet vise à "mettre fin à la période de transition et à organiser des élections présidentielles et parlementaires libres, justes, inclusives et crédibles", a déclaré mercredi la responsable de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul), Stephanie Williams, au troisième jour de ces pourparlers directs qui doivent durer environ une semaine. Pour elle, ce Forum de Gammarth (près de Tunis) "est la meilleure occasion de mettre fin aux divisions".
L’objectif est de mettre fin aux rivalités incessantes entre autorités diverses et d’engager un réel processus de stabilisation dans ce pays, soumis à une lente fragmentation et au règne des groupes armés depuis la révolution déclenchée mi-février 2011 contre le dictateur Mouammar Kadhafi, dans le contexte des "printemps arabes".
Dans la foulée du cessez-le-feu
Les négociations, qui se sont poursuivies ce jeudi, mettent en présence septante-cinq délégués sélectionnés par l’Onu pour représenter le gouvernement d’accord national de Fayez al Saraj (GNA), créé sous les auspices de l’Onu, et les autorités de l’Est du maréchal Khalifa Haftar, à la tête de sa milice autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL). Ces délégués sont chargés de nommer les trois membres d’un conseil présidentiel ainsi que le chef d’un gouvernement transitoire unifié, qui aura pour mission d’organiser au plus vite des élections, mais aussi de relancer les institutions minées par une transition interminable, afin de répondre aux besoins des Libyens.
Cette avancée notable dans les relations houleuses entre ces deux camps survient près de trois semaines après la conclusion d’un cessez-le-feu présenté comme permanent - celui dégagé en janvier lors de la conférence de Berlin avait fait long feu. Prélude aux actuels pourparlers de Tunis, un "dialogue libyen" organisé par l’Onu en septembre au Maroc entre des délégations parlementaires des deux camps avait défriché de nouvelles pistes, prolongées pour le moment en Tunisie, et débouché sur d’"importants compromis".
Des pourparlers sécuritaires
Il s’agit sans doute de la plus importante percée politique depuis les Accords de Skhirat au Maroc, fin 2015. Ceux-ci avaient créé un gouvernement dit d’accord national (GNA), mis sur pied au printemps suivant, ainsi qu’un conseil présidentiel, tous deux sous la direction de Fayez al Saraj. Mais des dissensions avaient eu raison de cette tentative et constitué une fracture entre les autorités installées à Tripoli, contrôlant l’Ouest et le centre, et celles de l’Est, incarnées par le maréchal Khalifa Haftar.
L’implication militaire de puissances étrangères - la Turquie en appui du GNA, la Russie, l’Égypte et les Émirats en faveur de l’ANL - avait contribué à entretenir la rivalité entre les deux camps. L’échec, au printemps dernier, de la tentative de la milice du maréchal Haftar de prendre le contrôle de la capitale Tripoli (depuis avril 2019) et le repositionnement militaire consécutif ont changé la donne, incitant les deux camps à une reprise du dialogue politique.
Parallèlement au Forum de Gammarth, des pourparlers sécuritaires ont lieu à Syrte, une ville stratégique entre l’ouest et l’est du pays autour de laquelle s’est stabilisée la ligne de front entre les deux camps. Des représentants militaires de ceux-ci, rassemblés dans une commission mixte dite 5+5, tentent d’y dégager un compromis visant le retrait des forces étrangères du territoire libyen. Un processus qui, malgré le cessez-le-feu, reste perméable aux mouvements des uns et des autres sur le terrain. Mardi, le commandement militaire du GNA a accusé les forces russes de les avoir empêchés d’atterrir à Syrte. Preuve que le double dialogue actuel n’est pas à l’abri d’un échec.