Le conflit avec le Tigré va-t-il déborder en région amhara ?
La révolte au Tigré ravive des conflits avec les voisins de cette région.
Publié le 04-12-2020 à 20h24
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La révolte des unités militaires et des autorités politiques du Tigré (nord de l’Éthiopie) contre Addis Abeba, qui a tourné à l’affrontement avec l’armée nationale, est loin de se calmer. Pire : les troubles menacent de gagner la région voisine des Amharas, qu’une ancienne rivalité oppose aux Tigréens.
30 ans de domination tigréenne
Pendant trente ans, ces derniers ont tenu le haut du pavé en Éthiopie, bien qu’ils ne représentent que 6 % de la population, parce que c’était leur composante du mouvement armé révolutionnaire, le TPLF, qui avait été la plus active dans le renversement de la dictature militaire. En 2018, la coalition au pouvoir avait tenté de calmer une série de révoltes chez les Oromos (principale ethnie du pays) et les Amharas (deuxième ethnie) en choisissant pour Premier ministre Ahmed Abiy, un Oromo.
Ce dernier a ouvert le régime : libération de prisonniers politiques, paix avec l’Érythrée voisine (ce qui lui a valu le Nobel de la Paix en 2019), gouvernement réduit mais composé pour moitié de femmes, postes offerts à des opposants, ouverture de négociations avec des rébellions armées. Cette ouverture a cependant multiplié les revendications régionales ; les violences des protestataires et de la répression ont provoqué deux millions de déplacés. En juin 2019, une tentative de coup d’État militaire en région amhara, finalement vaincue, a lancé le régime dans un retour de la répression de l’opposition.
Mekele défie Addis Abeba
Au Tigré (voisin de l’Érythrée), la perte de la position dominante et de postes au sommet de l’État est vécue comme une mise à l’écart, au profit de thèses séparatistes. Après le report des élections nationales d’août dernier, pour cause de Covid-19, Mekele avait défié Addis Abeba en organisant illégalement son propre scrutin. Le parlement d’Addis Abeba a alors dissous celui du Tigré. En octobre, il a voté la suspension de l’aide budgétaire à la région rebelle.
Une attaque contre une base de l’armée nationale, le 4 novembre - que le TPLF nie - a mis le feu aux poudres et déclenché l’intervention de l’armée nationale et l’imposition de l’état d’urgence.
L’offensive militaire d’Addis est un mouvement risqué, estiment les observateurs, la moitié des forces nationales étant casernées au Tigré, héritage de la longue domination tigréenne sur l’État central et de la guerre Ethiopie-Érythrée (1998-2000).
Sans compter que la région dispose encore, selon International Crisis Group, d’"une importante force paramilitaire et d’une milice bien entraînée". Dimanche, quatre jours après le début de l’offensive militaire d’Addis Abeba contre le Tigré, le Premier ministre Ahmed Abiy a limogé le chef de son armée sans explication, pour le remplacer par son adjoint, le général Berhanu Jula. Ce dernier a assuré que les forces nationales avaient "complètement capturé" les quatre villages où s’étaient déroulés les affrontements. Le TPLF, de son côté, assure que le commandement Nord de l’armée nationale a fait défection à son profit. Diverses sources signalent un appui de la population tigréenne aux insurgés.
Miliciens amharas
L’AFP précise qu’une centaine de soldats éthiopiens blessés par balles sont soignés dans la région voisine d’Amhara, où les miliciens locaux sont envoyés à la limite territoriale avec le Tigré, zone disputée entre les deux régions. Les Amharas assurent, en effet, que le TPLF avait annexé une partie de leurs terres lors de sa marche victorieuse de 1991 sur Addis Abeba. À Gondar (Amhara), signale l’AFP, des habitants ont donné de l’argent et des aliments aux forces partant vers le front au Tigré.
Tout cela pourrait, selon les observateurs, susciter une extension du conflit à la fois géographique et thématique.