Émeutes et pillages meurtriers en Afrique du Sud, pays sous tensions

Les émeutes sont si destructrices que le Président attend des pénuries d’aliments et médicaments.

Marie-France Cros
Émeutes et pillages meurtriers en Afrique du Sud, pays sous tensions
©AFP

Les émeutes qui secouent depuis vendredi certaines villes d’Afrique du Sud - elles ont déjà fait 72 morts en cinq jours et entraîné plus de 1200 arrestations - sont un nouveau coup pour ce pays déjà frappé durement par la crise humaine et économique due à la pandémie de Covid. Elles ont en effet particulièrement touché la métropole économique sud-africaine, Johannesburg (province du Gauteng), ainsi que les grandes villes de Durban et Pietermaritzburg, dans le Kwazulu-Natal).

Tout a commencé avec l’incarcération, mercredi dernier à minuit, de l’ex-président Jacob Zuma, un Zoulou, qui avait été condamné quelques jours auparavant par la plus haute juridiction du pays, la Cour suprême, à 15 mois de prison pour outrage à la justice. En cause : la multiplication de manœuvres, de la part de l’ancien chef de l’État, pour ne pas répondre aux questions des tribunaux sur plusieurs affaires de corruption dans lesquelles il est impliqué.

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Il avait aussi publiquement ironisé sur son impunité, alors que des foules de ses partisans zoulous campaient devant son somptueux domicile au Kwazulu-Natal pour empêcher son arrestation.

D’abord des hommes, puis des femmes et des enfants

Après son incarcération, des partisans de Zuma ont installé des barrages sur des routes importantes pour exiger sa libération. En vain. Puis les violences ont gagné la capitale provinciale, Pietermaritzburg et Durban, le grand port sur l’océan Indien et la troisième plus grande ville du pays après Johannesburg et le Cap.

Au cours du week-end, elles ont gagné la région de Johannesburg : incendies de bâtiments, centres commerciaux et stations d’essence, avant de tourner au pillage général. Des magasins d’alcool, de vêtements, de nourriture, de meubles, des centres commerciaux ont été dévastés. Les images des pillages ont montré des foules compactes et désordonnées, rapporte l’AFP, chacun se précipitant pour récupérer téléviseurs géants, vélos pour enfant, sièges de bureau, couches, conserves… Tout ce qui peut être emporté. Dans les magasins pillés et mis à sac, les premiers émeutiers, souvent des hommes jeunes, ont été rejoints par toutes les autres franges de la population, y compris des enfants, à la recherche de nourriture ou d’équipements à revendre.

Une bonne partie des victimes déplorées ont trouvé la mort lorsqu’elles ont été piétinées par des foules avides de pillages.

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©AP

Des tweets sous enquête

Selon la BBC, de fausses informations circulant sur les réseaux sociaux entretiennent la violence. L’ANC (le parti au pouvoir, auquel appartient Zuma) a révélé que les enquêteurs épluchaient des tweets de Duduzile Zuma-Sambudla, la fille de l’ex-Président incarcéré. D’anciens agents de sécurité de ce dernier seraient également sous investigation, tandis que des habitants de quartiers frappés par la violence affirment que des jeunes gens payés pour ça ont lancé les premières destructions.

Il semble toutefois que la violence ait largement débordé ce cadre politique. "Je ne me sens pas vraiment concerné par Zuma, c’est un vieil homme corrompu qui mérite d’être en prison. Je prenais des choses dans le magasin pour ma mère", a ainsi déclaré à l’AFP un pillard trentenaire à Soweto, au chômage.

Chômage et fin des allocations Covid

Le chômage atteint 32,6 % dans le pays - et 46 % chez les jeunes. De nombreuses entreprises ont été fermées à cause du ralentissement économique provoqué par la pandémie de Covid ; l’Afrique du Sud est un des pays les plus touchés sur le continent. En 2020, des compensations financières avaient été octroyées mais le gouvernement n’a pas pu tenir le rythme et il n’y en a plus aujourd’hui.

Émeutes et pillages meurtriers en Afrique du Sud, pays sous tensions
©AFP

Les difficultés des familles pour nouer les deux bouts ont ravivé les frustrations d’une large majorité de la population noire, qui n’a pas vu venir l’amélioration tant attendue de ses conditions de vie depuis la fin de l’apartheid en 1994 ; seule une minorité en son sein a accédé à la richesse. Le fossé entre riches et pauvres ne se comble pas.

Le président Cyril Ramaphosa a prévenu, dans une allocution publique lundi soir, que les émeutes aggravaient la situation et risquaient d’entraîner d’ici peu des pénuries d’aliments et de médicaments. Déjà, des médias signalaient mercredi des queues devant des magasins et pompes à essence à Durban et Johannesburg. La principale raffinerie du pays a annoncé mardi l’arrêt de ses opérations en raison de l’insécurité et de l’attaque de ses camions sur certaines routes.

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