Jacob Zuma et l’entreprise française Thalès devant leurs juges pour corruption et racket
L’affaire date de 1999. Les accusés ont multiplié les manœuvres pour ne pas être jugés.
Publié le 19-07-2021 à 19h03 - Mis à jour le 20-07-2021 à 07h30
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C’est sous forte tension que s’est ouvert lundi matin le procès - par Internet pour cause de Covid - de l’ex-président Jacob Zuma et de l’entreprise française d’armements Thalès (ex-Thomson CSF), devant le tribunal de Pietermaritzburg (Kwazulu-Natal, bastion des Zoulous). On craignait, en effet, une nouvelle mobilisation des partisans de M. Zuma - un Zoulou -, déjà accusés à mots couverts par plusieurs dirigeants sud-africains d’avoir organisé la récente vague de pillages et destructions (plus de 200 morts ; des milliards de rands de dégâts) pour obtenir la fin de son incarcération.
L’ex-chef d’État est en effet détenu pour 15 mois sur ordre de la Cour suprême pour outrage à la justice. Il s’agissait en l’occurrence du refus répété de M. Zuma de se soumettre aux ordres de la Cour suprême l’obligeant à témoigner devant la Commission Zondo chargée, depuis janvier 2018, d’enquêter sur la corruption au sein du gouvernement sous la présidence Zuma. Cette commission avait été créée sur recommandation du Protecteur public (une institution créée en 1995, un an après la fin de l’apartheid) devant le tollé suscité par une série de scandales financiers impliquant le chef de l’État.
Dix-huit accusations de corruption et racket
L’audience de lundi se rapporte, elle, au début de l’affaire : 18 accusations de corruption, fraude, blanchiment d’argent et racket qui pèsent sur l’ex-chef de l’État et la firme française Thalès, pour un scandale remontant à 1999. Depuis lors, M. Zuma avait multiplié avec succès les manœuvres pour échapper au jugement, bien qu’en 2005 son conseiller financier Schabir Shaik eût été condamné à 15 ans de prison pour fraude et corruption dans le même dossier, ce qui avait poussé le Président de l’époque, Thabo Mbeki, à exiger la démission de Jacob Zuma, alors son vice-président.
Cela n’avait pas empêché ce dernier d’être élu à la tête de l’État en 2009 et en 2014, avant que "l’affaire" qu’il tentait de noyer revienne une fois de plus à la surface et que son parti, l’ANC (au pouvoir depuis la fin de l’apartheid, en 1994), le force à démissionner.
Zuma cherche la récusation du procureur
Les avocats de M. Zuma - qui plaide non coupable et crie au procès "politique" monté de toutes pièces par ses ennemis - tentaient toujours, lundi, d’obtenir la récusation du procureur Bill Downer, qui serait, selon eux, l’âme de ce complot mené sur ordre de la CIA des États-Unis. Le procureur Downer a rejeté ces allégations, déjà présentées à la justice en 2019 ; elles avaient alors été écartées par les juges. Il a ajouté que les premières accusations contre Zuma et Thalès remontaient à 2003, quand il n’était pas encore impliqué dans ce dossier.
Jacob Zuma est accusé d’avoir reçu 4,1 millions de rands (240 000 euros) entre 1995 et 2004, pour favoriser Thalès puis pour protéger l’entreprise française des enquêtes. L’Afrique du Sud cherchait, à l’époque, à acheter des jets pour son armée et d’autres équipements militaires.
La poursuite de ce procès survient alors que le pays panse ses blessures après les violences des derniers jours, qui ont entraîné le déploiement de 10 000 soldats pour venir en aide à la police, submergée ; 15 000 autres soldats ont été promis par le président Cyril Ramaphosa (ANC). Les pillages ont créé des pénuries dans les grandes villes du Kwazulu-Natal et dans la région de Johannesburg, où la police fouille les quartiers pauvres à la recherche de biens volés.Marie-France Cros