Les Libyens devront (encore) attendre pour élire leur président
L’élection présidentielle de ce vendredi 24 est "impossible" à organiser, a estimé une commission parlementaire.
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Publié le 22-12-2021 à 11h58 - Mis à jour le 23-12-2021 à 21h13
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C’était devenu inévitable : l’élection présidentielle en Libye n’aura pas lieu comme prévu ce vendredi 24 décembre. La Haute commission électorale nationale (HNEC) a proposé mercredi de la reporter d’un mois, au 24 janvier. La commission de suivi électoral du Parlement avait peu avant constaté "l’impossibilité" de tenir ce scrutin à la date fixée, en raison de nombreux écueils juridiques et, surtout, de dissensions politiques qui ont paralysé le processus.
"Après avoir consulté les rapports techniques, judiciaires et sécuritaires, nous vous informons de l'impossibilité de tenir l'élection à la date du 24 décembre 2021, prévue par la loi électorale", a écrit le président de cette commission, Hadi al Sghayer, dans un rapport adressé au chef de la Chambre des représentants (la chambre basse du Parlement libyen). Le document demande aussi à ce dernier, Aguila Salah Issa (qui s'était mis en congé de ses fonctions pour se présenter à la magistrature suprême), de commencer à préparer une nouvelle feuille de route politique afin que le pays puisse poursuive sa transition vers un régime démocratique.
Le chef de l’instance chargée de superviser les élections, Imad al Sayeh, avait ordonné la veille dans une circulaire interne la dissolution des bureaux et comités électoraux dans toutes les régions et localités du pays. Ce sabordage actait l’impossibilité pratique d’organiser le scrutin présidentiel, et virtuellement les élections législatives du mois prochain, des rendez-vous considérés comme des jalons indispensables dans la longue transition politique en cours en Libye. L’opération permettait aussi d’éluder les responsabilités des autorités rivales, dont les désaccords avaient en particulier empêché l’adoption réglementaire de la loi électorale par les parlementaires.
Incertitude la plus complète
Bien qu’attendue depuis la semaine dernière, la nouvelle a plongé la Libye un peu plus dans l’incertitude, dans la mesure aussi où le mandat du gouvernement intérimaire d’union nationale d’Abdelhamid Dbeibah (lui aussi candidat) est censé s’achever ce vendredi (date initiale du scrutin présidentiel), a encore précisé la commission parlementaire. Cet immense pays pétrolifère d’Afrique du Nord est toujours en proie à une instabilité politique et sécuritaire dix ans après la révolution qui a mis fin au régime dictatorial de Mouammar Kadhafi. La veille du report, des hommes et des véhicules armés avaient encore pris position dans la capitale Tripoli, illustrant une fois de plus le jeu d’influence des milices.
"Ajourner les élections de quelques semaines ne va pas résoudre d'un coup tous les problèmes qui se posent aujourd'hui", nous confie un témoin engagé dans le processus électoral. "Cela n'empêchera pas les milices de venir à Tripoli pour mettre la pression aussi longtemps que cette loi électorale ne sera pas retirée."
Le contentieux concernant la loi électorale, qui fixe les règles des élections et notamment ce qu’il advient du vainqueur et des candidats après le scrutin, est l’un des principaux éléments expliquant le report de l’élection. Pour beaucoup d’observateurs, la question du cadre juridique des élections doit absolument être résolue avant de convier à nouveau les électeurs. Tout comme celle des candidats qui font l’unanimité contre eux dans certaines parties du pays, tel Saïf al Islam Kadhafi, le fils du dictateur déchu.
Malgré la mise sur pied sous l’impulsion de l’Onu, en début d’année, d’un gouvernement intérimaire voué à les réconcilier, les "camps" de l’ouest et de l’est du pays continuent à s’opposer. Après les combats de ces dernières années, ce sont les querelles politiques et juridiques qui prédominent désormais. En octobre, le Parlement (qui appuie l’homme fort de l’Est, Khalifa Haftar) avait voté une motion de censure à l’encontre du gouvernement Dbeibah.
Plusieurs initiatives tentent de jeter des ponts et rapprocher les points de vue. C’est ainsi que l’ex-ministre de l’Intérieur Fathi Bachagha et l’ancien vice-président du Conseil présidentiel Ahmed Maitiq, tous deux candidats issus de l’Ouest, ont rendu visite à Khalifa Haftar, mardi à Benghazi, chef-lieu de la province orientale de Cyrénaïque.