Une guerre des clans fragilise le pouvoir congolais
Le patron de la sécurité congolaise arrêté. Le premier cercle autour du président perd encore un élément.
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Publié le 08-02-2022 à 14h24 - Mis à jour le 08-02-2022 à 14h25
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Décidément, il ne fait pas bon se retrouver dans l’entourage de Félix Tshisekedi, le président de la République démocratique du Congo, ces dernières semaines.
Après le patron du parti présidentiel, l’UDPS, et premier vice-président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund wa kabund, c’est le tout-puissant patron du Conseil national de sécurité (CNS) et conseiller spécial en matière de sécurité à la présidence qui est tombé de son piédestal, arrêté chez lui samedi peu après midi par le patron de l’agence nationale de renseignement (ANR) Jean-Hervé Mbelu et le général Hugo Ilondo, le chef de la 14e région militaire (Kinshasa) appuyés par des éléments de la police militaire.
Ce lundi, plus de 48 h après cette interpellation, aucune information n'a filtré sur les raisons de l'arrestation de François Beya, surnommé Fantomas, présent dans le premier cercle du pouvoir et des renseignements depuis l'époque de Mobutu. L'homme a réussi à se faufiler dans les régimes successifs. Sous Joseph Kabila (de 2001 à 2018), il fut le patron de la direction générale de Migration (DGM) avant d'être "récupéré" par le président Félix Tshisekedi en 2019. Fantomas est resté à ce poste malgré la rupture fin 2020 entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur, après deux ans d'une cohabitation conflictuelle. "L'homme a des dossiers sur tout le monde, un carnet d'adresses gros comme un annuaire téléphonique et entretient des relations personnelles avec plusieurs chefs d'États de la région", nous explique un ancien ministre de Kabila qui témoigne anonymement "car il ne fait pas bon s'exposer à la lumière ces derniers temps".
François Beya aurait été interpellé pour "avoir participé à des réunions mettant en cause la sécurité de l'État", selon le mot d'ordre en circulation à Kinshasa. "Il est soupçonné d'avoir voulu tenter quelque chose en l'absence du chef de l'État dont la nature sera déterminée après son audition", ajoute une source sécuritaire citée par AFP. Certains vont plus loin et parlent ouvertement d'un coup d'État en gestation alors que le président Tshisekedi était à Addis-Abeba le week-end dernier pour céder la présidence tournante de l'Union africaine à son successeur le président sénégalais Macky Sall.
Deux jours après son interpellation, pas la moindre arrestation dans ce dossier. Un coup d’État mené par un homme seul, aussi puissant fût-il, même dans un pays aussi désorganisé que la RDC, confine au surréalisme. Par ailleurs aucune disposition sécuritaire particulière n’était perceptible ce lundi au pays.
Befor contre Fantomas
De quoi donner un peu plus de crédit à la piste du règlement de comptes entre clans au sommet du pouvoir. Depuis des mois, François Beya répétait qu’il se sentait menacé. Et le refrain était encore plus audible depuis la mi-novembre quand le patron du Conseil national de sécurité fut chargé par le président de la République de faire la lumière sur une affaire de vente de mine dans la province de l’Ituri, dans le nord-est du pays. Dans ce dossier, François Beya devait auditionner les cadors associés aux transactions douteuses autour de cette mine comme l’ex-patron de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Corneille Nangaa, les ministres José Mpanda (Recherche scientifique) et Guy Loando (Aménagement du territoire) mais aussi Fortunat Biselele, alias Bifor, conseiller privé de Tshisekedi. Bifor et Fantomas se détestent. Le premier ne s’est pas présenté à l’audition devant le second, sauvé par une mission salvatrice au Rwanda. Pour nombre d’observateurs, ce round accordé à Beya dans son combat contre Bifor vient de faire la place à un KO technique.