L'Algérie menace l'Espagne d'arrêter ses livraisons de gaz
L’Algérie a menacé l’Espagne de stopper ses livraisons de gaz si celle-ci en livrait au Maroc, avec lequel Alger a rompu.
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Publié le 29-04-2022 à 20h11 - Mis à jour le 30-04-2022 à 10h10
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La guerre en Ukraine l’a rappelé tout récemment : l’approvisionnement d’un pays en énergie peut constituer une arme géopolitique. Un autre conflit, latent cette fois, confirme ce constat. Depuis mercredi, l’Algérie menace l’Espagne d’arrêter ses livraisons de gaz si celle-ci en livre à un pays "autre", sous-entendu le Maroc. Alger pourrait donc couper le gazoduc Medgaz, désormais seul conduit en fonction entre les deux pays et qui fournit près du quart des importations gazières espagnoles.
Il s’agit d’une conséquence indirecte de la rupture des relations diplomatiques, l’été dernier, entre Alger et Rabat. Les frères ennemis du Maghreb sont en conflit depuis près de 50 ans sur la question du Sahara occidental, un territoire "non autonome" selon l’Onu, administré en grande partie par le Maroc qui veut y étendre sa souveraineté et convoité par les indépendantistes sahraouis appuyés par Alger qui demandent un référendum d’autodétermination.
La menace brandie par le premier producteur de gaz naturel d’Afrique sonne comme une mesure de rétorsion à la récente décision de Madrid de s’aligner sur la position de Rabat. Pour régler ce litige sur le statut du Sahara occidental, le Maroc propose depuis 2007 un plan octroyant à ce territoire (grand comme huit fois la Belgique) une large autonomie sous sa souveraineté. Le 18 mars, le gouvernement espagnol a annoncé à la surprise générale qu’il considérait désormais cette initiative comme la base de discussion "la plus sérieuse, réaliste et crédible" pour régler le différend sahraoui. Une rupture totale avec la position traditionnelle de neutralité de l’Espagne, ancien pouvoir colonial qui s’était défait de ce territoire en 1975.
Des liens "cassés"
Alger a très mal pris la chose. Le week-end dernier, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a qualifié le revirement espagnol d'"inacceptable moralement et historiquement", accusant le gouvernement de Pedro Sanchez d'avoir "cassé" les liens "très solides" unissant l'Algérie et l'Espagne. Il a toutefois assuré que son pays "ne renoncerait jamais à ses engagements d'assurer la fourniture de gaz à l'Espagne quelles que soient les circonstances". Tout au plus l'Algérie a-t-elle laissé entendre que les tarifs pourraient grimper.
Pourtant, ces circonstances ont changé. L'Espagne, qui avait accepté début mars la demande du Maroc de l'aider à garantir sa sécurité énergétique, a annoncé mercredi qu'elle allait mettre à exécution son projet d'envoyer du gaz au Maroc en inversant le sens du gazoduc Maghreb-Express (GME), récemment désaffecté. À l'automne dernier, dans la foulée de sa rupture avec le Maroc, Alger avait choisi de ne pas reconduire le contrat d'exploitation du GME, l'autre gazoduc permettant l'acheminement du gaz algérien en Espagne via le Maroc et le détroit de Gibraltar. La mesure privait le Maroc du gaz prélevé au titre de droits de passage, et obligeait le royaume chérifien à trouver une alternative.
Cette semaine, Alger a prévenu que tout acheminement de gaz algérien livré à l’Espagne vers une "destination autre" que celle prévue constituerait un manquement aux engagements contractuels, pouvant aboutir à la rupture des contrats.
L’Espagne a assuré que le gaz fourni au Maroc ne serait "en aucun cas" algérien. Il devrait s’agir de gaz naturel liquéfié acheté par le Maroc sur les marchés internationaux et livré en Espagne afin d’y être regazéifié et envoyé au Maroc au travers du GME.
Las, entre Alger et Madrid, l’eau est déjà dans le gaz.