RDC: l’ancien patron de l’UDPS, le parti présidentiel, entre en confrontation frontale avec Félix Tshisekedi
Jean-Marc Kabund lance son parti et "balance" sur les dérives du régime.
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- Publié le 21-07-2022 à 15h11
- Mis à jour le 21-07-2022 à 15h12
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"Décidément, il ne fait pas bon être trop près du soleil quand on ne revient pas de Bruxelles ou de Paris et qu'on n'a pas partagé toutes les petites affaires européennes du clan Tshisekedi", s'amuse un Kinois pourtant proche de la 10e rue de Limete, celle de la maison familiale des Tshisekedi, à un jet de pierre du siège du parti. "Au début du régime de Félix Tshisekedi, il y avait trois têtes politiques. Deux et demi, pour être sincère. Jean-Marc Kabund, pour le parti et l'assise populaire à Kinshasa, et Vital Kamerhe pour tisser les liens politiques qui comptent en dehors de l'UDPS. La demi-tête, c'était Félix qui observait et bénéficiait du travail des deux hommes."
Deux hommes qui ont goûté au sommet du pouvoir avant d'être rattrapés par les soucis judiciaires. "On peut y ajouter François Beya pour le réseau avec les pays voisins", ajoute un autre "caméléon" congolais, capable de survivre dans le marigot politique.
Trois parcours, trois chutes
Vital Kamerhe a été condamné à 20 ans de prison pour détournements de fonds, puis 13 ans en appel, avant d’être blanchi et de rentrer dans le sérail tshisekediste en oubliant les accords passés qui devaient lui permettre de briguer la présidence en 2023 avec le soutien de son colistier au sein de la plateforme Cach, Félix Antoine Tshisekedi. Fini les rêves de gloire mais aussi les tracasseries judiciaires et les éventuelles demandes de compte sur le détournement de fonds qui lui ont valu sa disgrâce.
François Beya, lui, est accusé, avec quelques lampistes, de tentative de coup d’État. Le procès est en cours. Ses avocats se sont retirés, niant la compétence de la Haute cour militaire pour juger le "Monsieur sécurité" du président Tshisekedi qui avait déjà œuvré pour le maréchal Mobutu avant de s’acclimater au régime des Kabila et de se forger un rôle essentiel dans l’installation au pouvoir de Tshisekedi.
Jean-Marc Kabund-A-Kabund a été l’homme-orchestre de l’installation concrète au pouvoir de Félix Tshisekedi. Proche d’Etienne et de maman Marthe, les parents de l’actuel chef de l’État, c’est lui qui a dirigé la base des militants de l’UDPS qui regardaient d’un œil circonspect le "fils de" rentré de Bruxelles. La création de "Fatshi béton", c’est Kabund avec ce populisme gouailleur qui sied si bien dans les quartiers populaires de Kin. C’est lui aussi qui a mené toutes les intrigues au sein du parti avant d’être descendu en flammes suite à une rixe entre un homme de sa garde et un policier au service d’un membre de la famille présidentielle.
"Trop c’est trop"
"Kabund était trop proche du pouvoir, il énervait le premier cercle autour de Félix. Il inquiétait. Il prenait trop de place au goût de certains, surtout du côté de la belle-famille. Ses critiques du RAM lui ont coûté cher", poursuit notre premier intervenant.
En disgrâce, chassé du parti, chassé de l’Assemblée nationale (il a conservé son mandat), l’homme a finalement pu quitter le pays pour Londres où il a gambergé quelques mois. Il a rencontré quelques acteurs politiques congolais de passage dans la capitale britannique avant de rentrer en RDC et de mettre sur pied un parti politique, Alliance pour le Changement (AC), qui n’a pas encore reçu son agrément du ministère de l’Intérieur.
Charge violente
Un parti qui, via une conférence de presse de Jean-Marc Kabund, ce lundi 18 juillet, a annoncé clairement la couleur. "Ce sera un parti de gauche (comme l'UDPS), un parti proche de la sociale-démocratie, qui sera sans nul doute dans l'opposition au régime de Félix Antoine Tshisekedi", a lancé le futur président du parti.
Mais l'homme, qui a longuement susurré à l'oreille du Président, ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Il a accusé le président de chercher à se maintenir coûte que coûte au pouvoir, de "chercher un glissement" (non-respect du calendrier électoral légal) et de préparer une grande falsification des résultats.
Dans la foulée, Kabund, qui revendique l'héritage politique d'Etienne Tshisekedi, a dénoncé un régime caractérisé par "l'incompétence, la mégestion et la jouissance", avant d'évoquer "l'absence d'une vision claire et d'un leadership convaincant dans le chef de Félix Tshisekedi" et de lancer "je suis convaincu que la page Tshisekedi est tournée. Il est temps de sauver le navire RDC qui a un commandant de bord qui le conduit sans boussole".
Revenant sur ses mois de grande proximité avec le président de la République, Kabund expliquera encore qu'il a "essayé en vain de rappeler à l'ordre jour et nuit Félix Tshisekedi" qu'il présente "comme un danger pour le sommet de l'État", un homme et un clan qui vident "nuit et jour les caisses d'un État" devenu "un club d'amis pour les apprentis sorciers de tous bords exerçant leur stage au sommet de l'État".
Kabund n'a rien perdu de sa verve populiste. À Kinshasa, l'homme est demeuré populaire. "Pour les Kinois, Kabund est l'un des leurs. Il était toujours là. Il a pris les coups sous Kabila tandis que Félix et ses amis étaient bien à l'abri à Paris ou Bruxelles", explique un jeune de la Tshangu, le quartier le plus populaire de Kinshasa. "Il est déterminé. Il a été humilié et n'a peur de rien, ce qui le rend dangereux pour le régime", enchaîne un autre Kinois. "Évidemment, il en veut au Président mais, comme de plus en plus souvent, ce sont surtout les proches bruxellois, parisiens ou la belle-famille du Président qui sont au centre des critiques."
"C'est un malin qui sait comment fonctionne le peuple congolais. Il est sorti rapidement, sachant que la publicité est certainement sa meilleure défense face à un régime qui va rapidement apprendre à le détester et qui pourrait être tenté de lui mettre des bâtons dans les roues", selon un autre homme politique kinois.
Le scrutin est toujours annoncé pour décembre 2023, mais la campagne a déjà commencé.