Sénégal : une tension politique de plus en plus extrême, “ la ville va s’embraser”
Le verdict est attendu ce jeudi dans le procès pur viol contre le principal opposant au président Macky Sall.
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- Publié le 31-05-2023 à 20h53
- Mis à jour le 31-05-2023 à 22h30
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Jusqu’à dix ans de réclusion, c’est ce que risque Ousmane Sonko, le nouveau leader de l’opposition politique sénégalaise dans un procès pour viol qui doit connaître son prononcé ce jeudi 1er juin.
Ousmane Sonko, arrivé 3e de la dernière présidentielle, s’est bâti depuis ce premier grand rendez-vous une stature d’opposant qui a réussi à conquérir une jeunesse sénégalaise (50 % de la population à moins de 20 ans) qui peine à se reconnaître dans la personnalité du président Macky Sall, considéré par beaucoup comme l’homme d’un certain passé, d’une certaine relation avec la France, plus que bousculée ces derniers temps dans toute la région.
L’opposant avait pris, vendredi dernier, la tête d’un” convoi populaire” depuis la ville de Zinginchor (Sud – Casamance) dont il est maire, avant d’être interrompu dimanche par les forces de l’ordre et ramené à Dakar.
Ce même jour, dès l’annonce de l’interpellation, des heurts, parfois violents, ont opposé les forces de l’ordre à des jeunes supporters d’Ousmane Sonko. “S’il est reconnu coupable, la ville de Dakar va s’embraser”, explique un journaliste local qui avoue s’attendre à une condamnation de l’opposant “au vu de la fin du procès la semaine dernière. En fait, personne ne sait s’il est coupable ou pas et personne dans la rue ne s’en soucie. Pour une large majorité des Sénégalais, c’est d’abord un procès politique”.
L’accusatrice stigmatisée
”Sonko a réussi à assimiler ce procès à une chasse aux sorcières. La pauvre plaignante, s’en préjuger des faits, passe pour un instrument du pouvoir”, explique une jeune avocate de la capitale. Pour Aminata Libain Mbengue, membre fondatrice du collectif des féministes du Sénégal, “ce procès est un énorme recul qui laissera des traces dans l’histoire des droits des femmes”, avant de poursuivre : “Il n’y a eu aucun débat sur le consentement et les violences sexuelles. L’aspect politique a de suite pris le dessus”.
Au lendemain du témoignage de la plaignante, Adji Sarr, jeune femme de 23 ans, employée dans un salon de beauté, les médias sénégalais ont multiplié les titres outranciers, ne retenant que les aspects sexuels de sa déposition dans un pays où la plupart des victimes de ce type de violences restent silencieuses. Ce qui fait dire à Mme Mbengue que “peu importe le verdict, Adji Sarr a déjà pris perpétuité”.
À Dakar, le président Macky Sall donnait ce mercredi le coup d’envoi d’un “dialogue” qui veut trouver des consensus avec divers acteurs sur les “questions majeures relatives à la vie nationale”. Un exercice déjà voué à l’échec car boycotté par l’opposition politique regroupée au sein de la plateforme des Forces vives de la nation F24 centré autour du refus d’une troisième candidature non constitutionnelle de Macky Sall. Cette opposition a décidé d’organiser son propre dialogue à la veille de ce verdict qui pourrait mettre le feu à un pays sous haute tension.