L’avenir plus qu’incertain de l’armée française au Sahel
Sans accord entre le nouveau pouvoir et Paris le personnel militaire français est au chômage forcé.
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- Publié le 07-09-2023 à 19h05
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Des “échanges” ont lieu entre armées nigérienne et française sur le retrait de “certains éléments militaires” français au Niger, ont reconnu du bout des lèvres certains responsables militaires français,. Dans le même temps, à Niamey, les généraux putschistes continuent d’exiger le départ de tous soldats hexagonaux, a admis mardi le ministère français des Armées, contraint de confirmer les propos du Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine.
La France a beau jouer la détermination, refuser de reconnaître la légitimité des nouvelles autorités de Niamey, imposer le maintien de son ambassadeur cloîtré dans l’enceinte diplomatique, refuser un “départ rapide” de ses hommes, elle est contrainte de reconnaître qu’elle négocie avec les putschistes… au moins sur le dossier des bases militaires à l’arrêt depuis l’arrivée au pouvoir en juillet de généraux hostiles au maintien des 1 500 soldats et aviateurs français présents dans le pays.
Paralysie de fait
Drones, avions de chasse et hélicoptères sont cloués au sol sur la base aérienne installée dans la périphérie de Niamey, tandis que les fantassins déployés avec leurs blindés sur les bases avancées de Ouallam et Ayorou, censés en temps normal appuyer les opérations antidjihadistes nigériennes, ne sortent plus sur le terrain.
”Le partenariat marchait” entre armées française et nigérienne, il était “dans l’intérêt” du Niger mais “je ne crois pas que ce soit tenable, on ne peut pas fonctionner et mener des opérations militaires sans la coopération des pays hôtes”, a notamment expliqué à l’AFP Michael Shurkin, spécialiste américain du Sahel et des armées françaises.
Recrudescence des attaques
En un mois, depuis l’arrivée de la junte au pouvoir, des attaques répétées dans la zone dite des trois frontières, entre Burkina Faso, Niger et Mali, ont fait des dizaines de morts militaires et civils.
À l’arrêt en raison du blocage politique entre Paris et Niamey, un certain nombre des moyens humains et matériels dédiés au contre-terrorisme pourraient bien être retirés du Niger, notamment via Cotonou au Bénin, direction la France, le Tchad voisin qui accueille l’état-major des forces françaises au Sahel, ou encore vers d’autres théâtres où sévissent les jihadistes, comme le Moyen-Orient, selon des sources concordantes.
À Paris, on attend de voir si la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui a condamné le coup d’État, imposé de lourdes sanctions au Niger et menacé d’intervenir militairement, parvient à obtenir des résultats.
La CEDEAO ne veut “pas répéter” au Niger “les expériences du Mali, de la Guinée et du Burkina” où des périodes de transition avaient été négociées avec les putschistes, a affirmé mercredi sur France 24 Abdel-Fatau Musah, commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la CEDEAO, en précisant toutefois que la priorité était à la “médiation”.
Deuxième facteur qui pousse la France à jouer la montre, explique-t-on à Paris : les dissensions entre les généraux nigériens auteurs du coup, qui pourraient entraîner un délitement du pouvoir militaire en place susceptible de dénouer la situation.
”Il y a sûrement des officiers nigériens qui connaissent très bien la valeur du partenariat et qui ne sont pas contents de ce qui se passe. On attend peut-être qu’ils agissent”, suggère encore Michael Shurkin.
Survenue après les déconvenues militaires et diplomatiques françaises au Mali et au Burkina Faso, cette crise au Niger risque en tout cas de laisser des traces à Paris et pourrait bien accélérer, voire amplifier, la réduction de voilure de la présence militaire enclenchée en Afrique de l’Ouest sur ordre de l’Elysée.