Le Maroc fait un choix très politique en éconduisant la France
Depuis le séisme qui a secoué la région du Haut Atlas au Maroc dans la nuit de vendredi à samedi, les offres d’aide sont arrivées de toute part, mais le Royaume n’en a accepté officiellement que quatre, dimanche 10 septembre. L’Espagne, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni ont pu envoyer des équipes de secouristes.
- Publié le 11-09-2023 à 21h37
- Mis à jour le 11-09-2023 à 20h35
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La France qui s’attendait peut-être à être accueillie à bras ouverts a été éconduite dans le silence, tout comme l’Algérie qui, en dépit des tensions extrêmes avec le Maroc, avait offert son aide. La surprise est suffisante, en France, pour créer la polémique.
"Le Maroc n'a refusé aucune aide, aucune proposition. Ce n'est pas comme ça qu'il faut présenter les choses", tempère Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères française, lundi, sur BFMTV. "Le Maroc est souverain. Il est seul en mesure de déterminer quels sont ses besoins et le rythme auquel il souhaite que des réponses soient apportées", a-t-elle ajouté. Pourtant, "toute opération humanitaire est d'abord géopolitique. Les structures humanitaires sont un cheval de Troie pour s'installer, prendre des contacts, montrer qui sont les bienfaiteurs. Rabat refuse d'être un vaste champ d'opérations humanitaires dont il n'aura plus la maîtrise", explique au Figaro, Sylvie Brunel, professeure de géographie à l'université Paris-Sorbonne.
Froid polaire
La France aurait aimé profiter de l’occasion pour s’imposer à nouveau comme un partenaire incontournable alors que l’affaire Pegasus, la réduction unilatérale des visas des Marocains pour la France, le rapprochement de la France avec l’Algérie rivale, le refus d’Emmanuel Macron de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental font régner un froid polaire sur les relations historiques entre les deux pays. La France enfonce tout de même une porte fermée puisqu’elle promet, ce lundi, 5 millions d’euros aux ONG "sur place".
Au-delà de considérations techniques de secourisme, qui ont nécessairement été déterminantes, difficile de ne pas voir dans la liste des pays choisis par le Maroc, pour l'aider à faire face aux conséquences du séisme, la nouvelle carte de ses alliances internationales. Elle repose tout entière sur la position des gouvernements à l'égard de sa cause nationale : sa souveraineté disputée sur le Sahara occidental. L'Espagne, retenue pour envoyer de l'aide, avait accepté en mars 2022, au terme d'un long bras de fer avec le Maroc, d'offrir officiellement son soutien au plan d'autonomie du Maroc au Sahara occidental. La Belgique, qui se tient prête à l'envoi de secours, avait salué les "efforts sérieux et crédibles" du Maroc dans ce dossier lors de la visite de sa ministre Hadja Lahbib à l'automne dernier.
"Aujourd'hui, nous sommes tout à fait fondés à attendre de nos partenaires qu'ils formulent des positions autrement plus audacieuses et plus nettes au sujet de l'intégrité territoriale du Royaume", avait exprimé Mohammed VI dans un discours en novembre 2021.
Deux rivaux alliés
Le Qatar et les Émirats arabes unis, s’ils sont rivaux sinon ennemis sur la scène régionale sont tous les deux des États amis proches du Maroc qui abondent régulièrement les caisses publiques en dons et prêts avantageux. En 2017, le Maroc avait aidé le Qatar en établissant un pont aérien humanitaire en pleine crise du Golfe, mais il s’est également rapproché des Émirats arabes unis en signant les Accords d’Abraham normalisant leurs relations avec Israël. Les EAU et le Qatar reconnaissent tous les deux la souveraineté du Maroc sur la Sahara occidental. En octobre 2020, les EAU ont même annoncé qu’ils ouvriraient un consulat dans ce territoire situé au sud du territoire national reconnu, une première pour un État arabe.
Concernant le Royaume-Uni, force est de constater que la justice britannique a rejeté, en décembre dernier, la demande d’annulation (par une association défendant l’indépendance du Sahara occidental) de l’accord de libre-échange entre le Rabat et Londres applicable au Sahara occidental - contrairement au Tribunal de l’UE qui pourrait trancher à l’automne en faveur du Polisario. Certaines rumeurs assurent même que le Royaume-Uni du gouvernement Sunak sera le prochain à reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Le Maroc, lui, se défend indirectement de toute réflexion politique. "Dans le cadre d'une approche conforme aux standards internationaux en pareilles circonstances, les autorités marocaines ont procédé à une évaluation précise des besoins sur le terrain", assure le ministère de l'Intérieur dans un communiqué, dimanche. Ce dernier fait titrer à l'hebdomadaire marocain La Vie Eco : "Non, le Maroc ne refuse pas de l'aide".