Un journaliste congolais détenu depuis dix jours pour un article… qu’il n’a pas écrit
Stanis Bujakera est accusé de propagation de faux bruit et de diffusion de fausses informations.
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- Publié le 19-09-2023 à 14h17
- Mis à jour le 20-09-2023 à 17h10
Deux mois après la découverte, le 13 juillet dernier, du corps sans vie du député national congolais Chérubin Okende, porte-parole du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, principal opposant au président Félix Tshisekedi, la justice congolaise est aux abonnés absents. Pas la moindre avancée, plus la moindre communication sur ce dossier malgré la collaboration de spécialistes belges et sud-africains au moment de l’autopsie pratiquée le 3 août dernier à Kinshasa.
Une chape de plomb des autorités qui n’interdit pas la révélation de certains documents comme ce rapport de l’Agence nationale de renseignement (ANR) qui met en cause les services du renseignement militaire (ex-Demiap) dirigés par le général Christian Ndaywel. Un service qui est aussi responsable de l’arrestation musclée et de la détention de Salomon Kalonda, conseiller spécial de Moïse Katumbi.
Ce rapport de l’ANR a été diffusé par le magazine Jeune Afrique. Dans le silence assourdissant qui entoure l’enquête sur le meurtre de Chérubin Okende, la révélation de ce document a fait l’effet d’une bombe. Les autorités congolaises ont rapidement contesté l’authenticité de ce document tout en arrêtant l’un des correspondants congolais de Jeune Afrique, le journaliste Stanis Bujakera, par ailleurs directeur adjoint du site Actualité.cd et correspondant pour l’agence Reuters.
Comme Salomon Kalonda, Stanis Bujakera a été arrêté sur l’aéroport de N” Djili, à Kinshasa, alors qu’il s’apprêtait à voyager vers Lubumbashi “pour le travail”, selon un de ses collègues.
Arrêté le 8 septembre, le journaliste, qui n’est pas le signataire de l’article incriminé par le pouvoir congolais, a d’abord été détenu dans les bureaux de la police avant d’être transféré et incarcéré à la prison centrale de Makala le 14 septembre journaliste.
Mobilisation internationale
Les ambassadeurs de Belgique, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, notamment, ont, dit leur préoccupation face à cette arrestation. La délégation de l’Union européenne suit “de près la détention du journaliste Stanis Bujakera”, tandis que les ONG Human Rights Watch et Reporters sans frontières ont condamné” cette énième atteinte à la liberté de la presse en RDC” et demandé que Stanis Bujakera soit immédiatement libéré.
”C’est une atteinte, une de plus, aux droits de la presse, aux droits de l’homme”, explique l’avocat Hervé Diakiese. L’avocat rappelle que Stanis Bujakera avait déjà été menacé de poursuites par le ministère de la Défense pour avoir relayé un extrait du compte rendu du conseil des ministres qui avait pourtant été publiquement distribué par le ministère de la communication. La plainte avait finalement été retirée.
Ce lundi, le ministre de la Communication, Patrick Muyaya, n’était pas joignable. Certains confrères de Stanis Bujakera ne cachent pas qu’ils sont “de plus en plus sous pression du pouvoir qui n’accepte plus que l’on dévie de son narratif”, explique l’un d’eux. “À un peu plus de trois mois de la présidentielle, journalistes et avocats sont des espèces sous haute surveillance”, explique un avocat qui décrit, en off, les tensions qu’il subit “au quotidien de sa hiérarchie aux ordres du pouvoir” et qui prédit : “les prochaines semaines seront terribles”.