La croissance au bénéfice de la sécurité alimentaire

La FAO et le PAM sortent leurs dernières estimations. Si la lutte contre la faim a marqué des progrès spectaculaires depuis 20 ans accompagnant le recul de la pauvreté, une personne sur huit reste aujourd'hui sous-alimentée dans le monde, essentiellement en Afrique et Asie du Sud.

Valentine Van Vyve (avec AFP)
La croissance au bénéfice de la sécurité alimentaire
©AP

La FAO (Organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture) et le PAM (Programme Alimentaire mondial) publient un rapport conjoint sur l'insécurité alimentaire dans le monde : un état des lieux de la question entre 1990 et 2013 qui vient étayer les estimations précédentes, tant grâce à de nouvelles données chiffrées que grâce à de nouveaux indicateurs. D'abord, ce constat alarmant : entre 2011 et 2013, la sous-alimentation chronique touche encore 842 millions de personnes dans le monde, soit une personne sur huit, contre 868 millions en 2012. Certes, la diminution de 3% est une avancée remarquable, mais, sans surprise, l'écrasante majorité des populations touchées se concentre dans les pays en développement.

Un Africain sur cinq a faim

Au total sur deux décennies, entre 1990-92 et 2011-2013, le nombre d'affamés est passé de 24% à 14% de la population mondiale mais les différences entre les régions sont considérables. Si l'Asie (toujours en tête de peloton malgré tout) et l'Amérique latine n'accusent plus qu'un léger retard sur la cible des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), tel n'est pas le cas de l'Afrique, continent le plus affecté dont plus de 21% de la population souffre de la faim. L'Afrique subsaharienne particluièrement "accuse le niveau de sous-alimentation le plus élevé" de la planète et compte 223 millions de personnes affamées de façon chronique, détaillent les experts.

Impact de la crise économique ?

Les nouvelles estimations permettent de lever un coin du voile sur l'impact qu'a pu avoir la crise économique de 2007-2010 sur l'insécurité alimentaire. A cet égard, une bonne nouvelle : si cette période est caractérisée par l'augmentation des prix des denrées alimentaires, l'aggravation de la faim n'a pas été aussi forte qu'estimée. Par ailleurs, la “grande récession” n'a provoqué qu'un faible ralentissement dans nombre de pays en développement. “Il est néanmoins possible que la hausse des prix des produits alimentaires ait eu d'autres effets négatifs, comme une réduction de la qualité de l'alimentation ou une réduction de l'accès à d'autres secteurs fondamentaux comme la santé et l'éducation ”, pondèrent les rédacteurs du rapport.

La FAO relève à cet égard l'exception notable de l'Afrique de l'Est et de "certains pays importateurs à faibles revenus", où les consommateurs ont été exposés frontalement aux yoyos du marché international. "Notamment les consommateurs les plus pauvres qui consacrent plus de 75% de leurs dépenses à la nourriture".

Si les conséquences du choc économique ont, à première vue et de manière directe, été moindres, l'année 2007-2008 est cependant charnière puisque c'est surtout préalablement que les progrès mondiaux en matière de réduction de la faim ont été enregistrés. Cela fait dire aux experts que l'objectif de réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim à l'horizon 2015 (selon les OMD) est une cible atteignable pour autant que l'on “fasse le nécessaire pour inverser le ralentissement”.

Atteindre les populations les plus pauvres

"Sur les 20 dernières années", considère le FAO, "la disponibilité en nourriture a crû plus vite que la population des pays en développement". D'où la baisse du nombre des mal nourris mais aussi l'amélioration du régime alimentaire moyen, indique les agences de l'ONU. Cependant, ici encore, il convient de distinguer les différents pays en développement, loin de constituer un tout homogène. "Seules l'Afrique et l'Asie du Sud n'ont pas bénéficié pleinement de cette évolution", leurs régimes respectifs restant dépendants des céréales et tubéreux.

L'amélioration de l'accès à la nourriture va de pair avec le recul de la pauvreté (moins d'1,25 dollar par jour), passée statistiquement entre 1990 et 2008 de 47% à 24 % dans l'ensemble des régions en développement. La croissance économique est dès lors primordiale dans la lutte contre la faim et la malnutrition. Mais elle n'est à elle seule pas suffisante. “La croissance économique doit mobiliser les pauvres, qu'ils soient partie prenante au processus de croissance et qu'ils en bénéficient ”, concluent la FAO et le PAM. Cela passe notamment par la création d'emplois, dans le domaine agricole surtout (voir infra), et d'autres possibilités de production de revenus. “De surcroît, il faut y associer les femmes” centrales lorsqu'il s'agit des dépenses des ménages. L'élimination de la faim passe donc par la croissance économique mais aussi par l'action des pouvoirs publics.

L'agriculture, outil efficace de stimulation de la croissance

Les pays en développement pratiquent massivement l'agriculture familiale et de subsistance. C'est dès lors dans ce secteur que la FAO et le PAM encouragent les pouvoirs publics à agir en stimulant la création d'emplois à destination des plus pauvres. C'est par ce biais que ceux-ci pourront le mieux participer à la croissance et... en bénéficier. C'est par le biais de l'agriculture que les pays à faibles revenus pourront au mieux contribuer à la diminution de la pauvreté.

Les changements induits par de telles politiques ne sont pas immédiats. A court terme, les plus vulnérables ont besoin d'une protection sociale "décisive pour lutter contre la faim” et pourtant quasi inexistante à ce jour. En protégeant les plus vulnérables, “elle peut contribuer directement à l'accélération de la croissance économique grâce à la valorisation des ressources humaines et au renforcement des capacités des plus pauvres”, soutiennent les experts. Cela nécessite toutefois que ces “programmes puissent s'appuyer sur un système amélioré de gouvernance” reposant sur “la transparence, la participation, l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme”.

Le monde a soif donc le monde a faim

Enfin, la FAO rapproche encore la bataille de la faim de celle de l'eau: alors que des progrès significatifs ont été faits dans l'accès à l'eau depuis 20 ans estime-t-elle, avec 12% de la population mondiale "privée d'accès adéquat à l'eau potable" en 2010 contre 24% en 1990, seuls 61% des habitants d'Afrique subsaharienne "ont accès à une fourniture en eau améliorée, contre 90% en Afrique du Nord, en Amérique Latine et dans la plupart des pays d'Asie".


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