La Coalition contre la faim appelle les dirigeants à la cohérence

La Coalition contre la faim insiste sur la mise en place de ce qu'il convient d'appeler la CPD, pour cohérence des politiques pour le développement. " On ne reprend pas d'une main ce qu'on a donné de l'autre, dénoncent les ONG.

Valentine Van Vyve

"Il ne suffit pas d'aider", le gouvernement doit "cesser de nuire et jouer avec la nourriture", ont indiqué plusieurs ONG belges qui appellent les autorités à davantage de cohérence, à l'occasion de la journée mondiale de l'alimentation. "2,5 milliards de personnes souffrent de la faim, soit une personne sur trois, et ne peuvent mener une vie active et saine", rappellent les membres de la Coalition contre la faim (*). Et les décisions prises en Belgique en sont à certains égards responsables.

La synergie des politiques "La faim dans le monde continuera d'augmenter si nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour stopper ce fléau", dénonce Thierry Kesteloot d'Oxfam Solidarité. "Il ne suffit pas d'avoir une politique d'aide privilégiant l'agriculture familiale comme en Belgique, il faut empêcher que d'autres politiques belges et européennes ne viennent contrecarrer et menacer le droit à l'alimentation", souligne-t-il.

La Coalition insiste donc fermement sur la mise en place de ce qu'il convient d'appeler la CPD, pour cohérence des politiques pour le développement. "On ne reprend pas d'une main ce qu'on a donné de l'autre", disait de manière imagée Manuel Eggen, du FIAN Belgique. Et de citer de nombreux exemples des conséquences des décisions prises au Nord sur les pays du Sud, comme la dérégulation de marchés financiers favorisant la spéculation sur les matières premières agricoles, responsable à son tour d'une volatilité accrue sur les marchés. "Cela démontre que les objectifs de développement, dont l'éradication de la faim et de l'extrême pauvreté constitue l'un des enjeux fondamentaux, sont anéantis par les intérêts d'autres politiques qu'elles soient commerciales, d'investissement, de sécurité, de migration, d'énergie, de climat, d'agriculture, etc." Comment concilier ces intérêts économiques à court terme avec le droit à l'alimentation et, plus largement au respect des droits humains ?

La coopération au développement ne représentant qu'une infime partie des transferts financiers entre les pays du Nord et du Sud, elle seule ne peut dès lors porter les objectifs de développement. "Il faut non seulement que les autres politiques ne les entravent pas mais aussi qu'elles les soutiennent", ajoute Manuel Eggen.

La CDP, une obligation légale La CDP s'est imposée comme une enjeu fondamental, poussée notamment par l'OCDE et le Traité de Lisbonne. En 2011, le gouvernement belge l'inscrivait parmi ses priorités. Elle fut finalement intégrée dans la nouvelle loi de Coopération au développement adoptée en mars 2013. Elle est donc désormais une obligation légale et dès lors contraignante. Pourtant, si la volonté politique existe, "les réalisations concrètes sont encore absentes".

Outre le manque de mise en place de mécanismes permettant de renforcer la CDP, la Coalition estime que la Belgique a pris plusieurs décisions en "incohérence totale" avec le droit à l'alimentation, citant notamment la loi de juillet 2013 qui vise à augmenter les volumes des matières agricoles destinées à produire des agrocarburants malgré leurs impacts négatifs sur la malnutrition et l'accaparement des terres fertiles des paysans du Sud. (Voir l'encadré ci-dessous pour les dernières décisions). Ainsi, "entre 2000 et 2010, 116 millions d’hectares ont été accaparés en Afrique", témoigne M. Diouf, membre du Comité des ONG d'aide au développement (CONGAD) sénégalais. "L'UE foule du pied le droit et la liberté alimentaire. Le paradoxe est entier : alors que le monde regorge de richesses, les vulnérables le sont de plus en plus. Ceux qui ont faim sont de plus en plus nombreux." Lui comme la Coalition plaident pour une révision de l'approche même du développement, celui-ci devant être envisagé sous l'angle des droits humains, "universels et s'imposant aux Etats", et centré sur l'individu. La loi belge va d'ailleurs dans ce sens...

Des avancées veront-elles le jour avant la fin de la législature? Si la Coalition en doute, M. Lacroix, parlementaire PS, veut y croire, si toutefois la "bonne volonté" est de mise. Nicolas Van Nuffel (CNCD 11 11 11) semble en douter. S'il convient du difficile équilibre que doivent trouver les représentants politiques, les enjeux étant divers et interconnectés, il dénonce les "politiques dictatoriales qui continuent d'accorder des privilèges à certains, et qui ont un impact direct sur les 2,5 milliards de personnes qui souffrent de la faim". Et d'appeler à une prise de responsabilité en leur faveur. Au niveau national mais aussi en adoptant une position claire et transparente auprès des instances internationales. Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, dénonce par ailleurs la position médiane adoptée par l'UE en matière de soutien à la production d'agrocarburants. Selon lui, les politiques adoptées favorisent la pression sur les terres, augmentant encore leur valeur et donc leur accaparement.

* 11.11.11, AD Gembloux, Broederlijkdelen, Boerenbond, Caritas Belgique, CNCD-11.11.11, Croix-Rouge de Belgique, Collectif Stratégies Alimentaires, Entraide et Fraternité, FIAN Belgium, Le Monde selon les femmes, Louvain Coopération, OXFAM Solidarité/Solidariteit, Oxfam Magasin du Monde, Oxfam Wereld Winkels, SOS Faim, TRIAS, Vétérinaires sans Frontières, Vredeseilanden.


La Commission valide "la sortie progressive du régime belge de soutien aux biocarburants" La Commission européenne a validé mercredi "la suppression progressive, étalée sur douze mois, des réductions de droits d'accise accordées par la Belgique à sept producteurs de biocarburants", a-t-elle annoncé dans un communiqué. Ces producteurs, sélectionnés en 2006 à la suite d'un appel à candidatures, continueront de bénéficier de la réduction jusqu'au 30 septembre 2014 pour un volume limité. Cet agrément limité "a pour but de garantir une transition sans heurts vers un nouveau régime de soutien", selon la Commission. Le nouveau régime devra être notifié à la Commission avant la fin de cette année. Il devra encourager la production d'agrocarburants plus conformes à l'évolution du débat sur cette question. Autrefois célébrés comme une manière de réduire les émissions de CO2, les carburants d'origine végétale sont aujourd'hui accusés d'encourager l'accaparement des terres agricoles et de pousser à la hausse les prix alimentaires. La Belgique avait initialement demandé de prolonger jusqu'en 2019 son régime de soutien aux sept producteurs, dont l'agrément de six ans vient d'arriver à échéance. Mais la Commission s'est opposée à une prolongation aussi longue. Un soutien limité ne sera autorisé que pendant un an.

Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...