Les vieux potes de Daral Peulh

Pendant 10 jours, volontaires ixellois et sénégalais participaient à l’assainissement d’un village Peulh.

Valentine Van Vyve & Johanna de Tessières (PHOTOS), au Sénégal

Pendant 10 jours, volontaires ixellois et sénégalais participaient à l’assainissement d’un village Peulh.

Daral Peulh. Le nom de ce village situé à quelques encablures de la ville de Thiès est souvent suivi d’un point d’interrogation. Le doigt pointé vers le ciel comme il est d’usage pour indiquer une direction, les chauffeurs de taxi restent cois. Puis se mettent en route et empruntent une piste cabossée au sortir de la deuxième plus grande ville du Sénégal, traversent des rails de chemin de fer et poursuivent à travers tout.

Daral Peulh. Le village de l’ethnie éponyme semble sans vie. Le calme y règne en maître. Les pylônes d’électricité s’arrêtent avant la première maison. Des habitations en dur attendent d’être terminées et confèrent au lieu des allures de village abandonné. Cela ne serait pas surprenant : la terre est sèche, le sol dépourvu de verdure, le climat hostile. Comment des Peulhs, dont l’occupation principale est – autant que faire se peut – l’élevage, pourraient-ils y vivre ? C’est pourtant le cas de 33 familles. Pendant 10 jours, elles accueillent une quinzaine de Belges et autant de Sénégalais – Peulhs du village ou apprentis suivis par Action Jeunesse Environnement (AJE).

Partageant le gîte et le couvert, ils poursuivent ensemble un projet initié il y a 3 ans : afin d’améliorer les conditions sanitaires et de valoriser l’éducation, des latrines ont été construites dans l’école primaire du village. Ce fut un moyen pour les associations de s’intégrer petit à petit à la population. Une enceinte a ensuite été érigée autour de cette même école. Les habitants ont finalement émis l’idée que soient construites des latrines dans leurs cases. À défaut de voir les autorités s’y atteler – malgré les promesses – Asmae et son partenaire AJE ont accepté de relever ce défi majeur. Ce travail est en effet un vecteur de meilleures conditions sanitaires pour une population locale qui vit dans une très grande précarité. “Le fait de répondre aux initiatives de ses habitants permet d’impacter positivement l’ensemble de la communauté, commente Jean-Thomas Parideans. “Mais le chantier est avant tout un prétexte à la rencontre”, nuance le responsable d’Asmae.

Les jeunes au cœur du projet Assistant de choix de “Moud”, le maçon qui encadre le groupe et qu’il s’évertue à appeler “chef”, Yassine ne s’interdit aucun excès de zèle. “On est là pour bosser”, dit-il, passant au-dessus de la fatigue légitime du travail physique sous un soleil sans ombre. “On atteindra l’objectif coûte que coûte”, renchérit Marcus. Nathan le double, dirigeant une charrette tirée par un âne visiblement éprouvé. Le jeune tance son camarade avant de repartir de plus belle à grand renfort d’injonctions en Wolof. “Le chantier est la meilleure manière de les responsabiliser”, affirme Jean-Thomas Parideans. Les jeunes lui donnent raison en portant à bout de bras un projet dont ils sont les acteurs principaux. Le résultat est surprenant : en une matinée, les murs de la quatrième et dernière latrine sont montés.

Après quelques journées, les muscles des jeunes commencent à être endoloris. Alors, certains laissent tomber pelles et truelles et profitent de ce moment de répit pour échanger sur tout et sur rien et se taquiner comme le feraient de vieux amis. “Le groupe est soudé comme jamais je n’aurais pu l’imaginer”, se réjouit Yassine alors que Soufiane se moque gentiment d’Omar. Souleymane se marre et étreint son nouveau vieux pote  ! “Ils prennent conscience de ce qui les lie et de leurs capacités à mener un projet du début à la fin”, soulève Thierry Lardinois tout en mentionnant la nouveauté pour ses élèves de devoir gérer le manque d’eau, l’absence d’électricité, le travail quotidien et les tâches ménagères.

Yassine confirme : “On se rend compte de l’importance de gérer avec prudence les ressources dont on dispose. De retour en Belgique, je pense changer radicalement ma manière de consommer.

Porte ouverte sur l’avenir C’est particulièrement bouleversés que les Ixellois s’apprêtaient à quitter le village peulh. “On a un cœur d’artichaut”, souffle Marcus, chassant l’émotion à coup de boutades. “Comme le Kinder : dur à l’extérieur, fondant à l’intérieur”. “J’avais un a priori négatif sur l’Afrique”, admet Bruno. D’origine congolaise, il n’avait jamais posé le pied sur le continent de ses aïeuls. “Tout ceci fait réfléchir”, dit-il. “Cette expérience est une porte ouverte. Je souhaite maintenant agir”. Quelques minutes plus tard, le jeune Belge lance une discussion pleine de sens sur l’avenir de l’Afrique. “L’Africain a un moral d’acier. Sinon, comment pourrait-il seulement supporter tout cela ?” Ses amis sénégalais sourient en signe d’adhésion mais nullement de résignation. Tel est d’ailleurs aussi l’objectif de ces échanges : “Renforcer les capacités des jeunes, les mettre en action”, résume Jean-Thomas Parideans. “Pari réussi !”, ponctue Thierry Lardinois.

Valentine Van Vyve

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