Au 52 de la rue Hullos, les moissonneuses-batteuses sont de sortie

Excès de zèle, s'il vous plait ! Au lycée Provincial Jean Boets, les élèves liégeois emboitent le pas décidé de leurs professeurs. En filigrane, ceux-ci entendent creuser dans la tête des jeunes des sillons de réflexion quant à leurs responsabilités de consommateurs.

Au lycée Provincial Jean Boets, les élèves liégeois emboitent le pas décidé de leurs professeurs.
Au lycée Provincial Jean Boets, les élèves liégeois emboitent le pas décidé de leurs professeurs. ©Jean-Christophe Guillaume

Excès de zèle, s'il vous plait ! Au lycée Provincial Jean Boets, les élèves liégeois emboitent le pas décidé de leurs professeurs. En filigrane, ceux-ci entendent creuser dans la tête des jeunes des sillons de réflexion quant à leurs responsabilités de consommateurs. Parlez du Lycée provinciale Jean Boets au quidam, fut-il liégeois, il en resterait coi. Evoquez plutôt l’école de la rue Hullos, et vous provoquerez chez ce même interlocuteur une réaction opposée. Aussi étrange que cela puisse paraitre, l’établissement provincial liégeois est bien davantage connu sous le nom de la rue dans laquelle il a été bâti que par sa dénomination officielle... Qu'à cela ne tienne ! Au premier étage, sont réunis les quinze élèves participants à MWA, manteaux sur le dos –l’heure est matinale- mais les yeux déjà bien ouverts et l’esprit éveillé. Rapidement, certains prennent place derrière les écrans d’ordinateur alors que d’autres saisissent crayons et marqueurs : l’objectif de cette réunion est de mettre en place différentes initiatives de récolte de fonds. Certaines sont d’ailleurs déjà bien entamées. Un regard dans le panier posé sur la table centrale, et l’on peut voir le travail fini : Il y a quelques semaines, étaient récoltées quelque 400 kg de pommes dans des vergers du plateau de Herve - “ réputé pour ses pommes bio”, précise-t-on - pressées, mises en bouteilles et prêtes à être vendues au bénéfice du projet que mène le lycée avec Défi Belgique Afrique (DBA).

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Au travers de ces actions pointe en filigrane la philosophie de tout le projet, porté avec conviction par des professeurs dont ce n’est pas la première “opération citoyenne” : celle qui considère la consommation comme un acte citoyen et entend mettre en lumière “d’autres manières de faire”. “La consommation n’est pas un act isolé qui ne concerne que celui qui le commet. Nous voulons faire comprendre aux élèves que la manière dont ils consomment affecte d’autres personnes, proches d’eux mais aussi plus loin, en Afrique notamment”, explique Aude Benazzi, professeur de sciences sociales. Pour se rendre compte de cet impact, les jeunes passeront d’ici quelques semaines une journée chez un agriculteur de la région. Avant d’aller voir ce qui se fait bien au-delà du bassin liégeois, au Burkina Faso.

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Sillons de citoyenneté

Lentement mais surement, Aude Benazzi et Dominique Vanoirbeck creusent des sillons de réflexion et plantent des graines de citoyenneté dans le parcours et les esprits des élèves comme du corps pédagogique. “On souhaite faire de cette école une école qui pense autrement”, glisse sans prétention Mme Benazzi. Le défi est de taille, et le terrain de jeu tout trouvé. Les cours de sciences sociales qu'elle enseigne ont ceci de particulier que leur programme n’est pas coulé dans le beton. Profitant de cette donne comme d’une aubaine, elle axe depuis plusieurs années ses leçons autour de la sécurité alimentaire, les rapports nord-sud et la consommation responsable. “Les élèves ne peuvent pas sortir d’études en sciences sociales et ne pas avoir un regard avisé sur le monde qui les entoure et sur le rôle qu'ils y jouent”, dit-elle. Le projet est en ce sens vécu comme un prolongement de la matière abordée en classe, une manière de l’approfondir et de rendre des concepts plus concrêts encore. Ceci d’autant plus que les élèves de cette filière ne bénéficient que de très peu de temps sur le terrain, contrairement aux autres options enseignées dans l’établissement. “C’est un bon complément pour le futur”, ajoute d’ailleurs Cécile. “Nous avons amorcé ces thématiques l’an dernier déjà. Voila une excellente manière de prendre encore davantage conscience de ce dont il s’agit”, appuie Aurore, tout en découpant des pommes en papier à coller sur son panneau.

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Le temps des récoltes

Au début de l’année, nos élèves sont quelque peu frileux. Mais il suffit, comme bien souvent, de leur donner l’impulsion pour qu’ils se mettent en action. Le début et la fin de l’année marquent d’ailleurs un changement dans la logique de réflexion”, note Aude Benazzi, hâpée à droite à gauche par des élèves dont l'envie de bien faire est manifeste. “A la fin d'un tel projet, certains ont envie de s’impliquer davantage mais ne savent pas toujours comment. On essaie de les orienter et de répondre à leur envie de bouger “, poursuit-elle. Elle ne croit pas si bien dire. Si Emilie a une crainte, c’est bien celle-là : “Cette prise de conscience est primordiale. Mais comment pourra-t-on agir ensuite ?”, interroge la jeune fille. “Si un tel projet aide a prendre du recul à plein de moments de la vie quotidienne et aide à s’impliquer davantage et avec plus de sérieux dans ses études, les vieilles –et souvent mauvaises - habitudes reviennent vite”, note Pauline, déjà partie avec DBA il y a deux ans. Arrivée du Lycée Saint Jacques (participant à MWA lors des éditions 2012 et 2014) vers Jean Boets, c’est elle qui souffla l’idée d’une participation à ses professeurs.

A linstar des cultures, il aura fallu un temps de maturation aux élèves comme aux enseignants pour faire grandir le projet. Mais le temps des moissons est enfin venu. Et l’on dirait bien que l’année 2016 donnera de plétoriques récoltes.

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Ce vendredi, retrouvez 12 pages spéciales Move with Africa dans La Libre


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