“Enrichissant” et “inoubliable”

Douze donzelles, entières, soudées, ardentes –et Liégeoises–, qui auraient tant voulu que le séjour se prolonge.

Charlotte Mikolajczak
“Enrichissant” et “inoubliable”
©Johanna de Tessières

Douze donzelles, entières, soudées, ardentes –et Liégeoises–, qui auraient tant voulu que le séjour se prolonge.On essaye généralement de faire un échange avec des écoles techniques ou professionnelles, reconnaît Christopher El Khazen, chargé de l’éducation au développement auprès de Via Don Bosco et accompagnateur.

Pour que l’échange profite aux deux groupes, que les Belges apprennent des Béninois et vice versa. Pour qu’ils évoluent en parallèle. Quand on étudie les mêmes matières, il suffit parfois de discuter ‘technique’ pour casser la glace, lancer l’échange.”

Pas gâté donc avec Alice, Alixe, Alexia, Chloé, Clémentine, Coline, Déborah, Lisa, Louise, Manon (rebaptisée Manou le temps du voyage), Manon et Romane ? Que des filles, élèves dans le général de surcroît, au Collège Saint-Louis de Liège. “Au contraire”, proteste-t-il, mettant en avant leur “enthousiasme”, leur “persévérance”. “Nombre d’entre elles avaient déjà voyagé et elles se sont attachées différemment à ce public plus fragilisé.” Différemment, mais pas moins intensément, les unes et les autres tirant, de cette courte expérience (les attentats ayant raboté le séjour initialement prévu sur 2 semaines à 7 jours sur place, du 30 mars au 5 avril), des souvenirs “inoubliables”. L’adjectif est revenu 5 fois dans leur bilan – elles avaient chacune droit à 3 adjectifs – et 7 d’entre elles pensent qu’elles reviendront un jour au Bénin.

Un projet inoubliable donc, arrivé en deuxième position derrière les adjectifs “riche” ou “enrichissant”, nommés 9 fois, mais largement devant des “touchant”, “marquant”, “étonnant”, “déroutant”, “instructif” et “unique” plus clairsemés. “Je suis contente de l’avoir fait, dira Chloé, avec vous toutes d’ailleurs.“J’imaginais autre chose, mais je n’ai pas été déçue”, complète Alice. Où il sera aussi question de partage et de chaleur – “pas seulement la température, mais la chaleur entre nous et avec les jeunes.”

Courte semaine, long parcours

Des jeunes Béninois du Foyer Don Bosco à Porto Novo, où le groupe était logé, qui se sont prêtés à cet échange quand leur emploi du temps le leur permettait, entre les cours, les repas, les devoirs, les jeux et… les tâches ménagères, “entre 5h30 et 7 heures du matin et encore après le repas”, s’étonnent-elles. Qui, eux, se souviendront “des filles et de la Belgique, sans y avoir été, dira Sandy . Si on travaille bien, on va se retrouver là-bas et on leur dira ‘Et comment ça va ?’”. D’une “semaine trop courte”, osera son jeune voisin. Non sans s’étonner, ajoutera Apollinaire, qu’Ingrid et Bénédicte, les professeurs de Saint-Louis qui accompagnaient le groupe, fassent “la vaisselle à leur place pour leur laisser le temps d’écrire”.

Et d’autres jeunes, aussi, qu’elles ont rencontrés à chacune des étapes du parcours mis en place par Don Bosco pour les sortir de la rue ou du marché, de la précarité, de la vulnérabilité, de l’abandon, les rééduquer à la vie en société, leur donner une formation, voire un métier. Autrement dit, des baraques implantées dans les marchés publics de Dantokpa ou de Sémé-kraké aux centres de premier accueil Cachi ou de long séjour Magone, jusqu’aux centres de formation professionnelle (soudure, mécanique, menuiserie, boulangerie, pâtisserie, cuisine, savonnerie…).

Mais c’est sans doute à la ferme Valdocco à Sakete que l’échange interculturel a été le plus complet. Parce qu’ils avaient sensiblement le même âge et qu’ils ont partagé un jeu, un repas, une expérience, des efforts, des informations, mais, surtout, du temps. “J’ai moins aimé le travail, car je suis une flemmarde”, reconnaîtra Coline.

Gboma, chayo, choux et aubergines

Sakete, à une trentaine de kilomètres de Porto Novo et à une vingtaine de minutes du Nigéria. Une ferme de formation et de production créée il y a 12 ans par Don Bosco, qui s’étend sur près de 50 hectares répartis en trois grandes parcelles. “La formation est gratuite, explique le père salésien Lucien Houessou, qui dirige la ferme. Donnée à des jeunes de 14 à 24 ans, déscolarisés, défavorisés, orphelins. La formation dure 18 mois. On leur apprend le savoir-faire et le savoir-être, comment avoir un bon rendement, faire du compost, préparer la nourriture et les compléments alimentaires, être attentif à l’eau… Ici, pas de spécialisation en élevage, agriculture, aquaculture ou transformation. Ce sont des agriculteurs complets qui sont formés. Les jeunes cultivent – des espèces locales comme le gboma ou le chayo, mais aussi des produits européens comme les aubergines ou les choux; élèvent – des poules, des dindons, des lapins, des porcs, des silures; produisent – des œufs, des poulets…; transforment – des noix de palme en huile... Et, pour casser le rythme de leurs tâches, rêvent d’avoir d’aussi amicales visites plus souvent... Charlotte Mikolajczak

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