La Providence a marché sur un fil

Les Wavriens sont partis sur la route des migrants, découvrant les racines de l’Europe. Et ses frontières.

Valentine Van Vyve
La Providence a marché sur un fil
©D.R.

Les Wavriens sont partis sur la route des migrants, découvrant les racines de l’Europe. Et ses frontières.

Nous sommes le 15 janvier. Des attentats frappent le centre de Ouagadougou. Quelques jours plus tard, Amnesty International, en concertation avec ses partenaires, décide d’annuler le voyage prévu au Burkina Faso. Fin mars, une quinzaine de Wavriens y étaient attendus par autant de correspondants burkinabés. Le programme qu’ils devaient suivre abordait en profondeur les droits humains, principalement sexuels et reproductifs

A la rencontre de l’humain “Ce projet, dans lequel nous nous étions tellement impliqués, tombait à l’eau”, se souvient Solène. “Mais nous avons rebondi et j’en suis fière”, poursuit la jeune femme depuis une petite salle insoupçonnée de l’établissement scolaire. Forts d’un dynamisme que nous avions déjà souligné en début d’année, les élèves de la Providence et leurs professeurs ne comptaient pas s’arrêter là. “Il nous tenait à cœur de garder le cap, celui qui avait motivé notre inscription dans le projet : rester humain avant et au-delà de tout. Une forme de résistance. La rencontre de l’autre devenait plus que jamais indispensable”, commente Anne Waltener, entourée de ses 13 élèves. Dans la continuité de ce projet qu’ils avaient préparé depuis de longs mois, un voyage alternatif voyait le jour autour des droits des migrants, tout en gardant le fil rouge de la citoyenneté. “Ce qui nous empêchait de nous rendre au Burkina chassait les populations desquelles nous allions à la rencontre”, justifie la professeure de français.

Au début du congé de Pâques, ils entamaient leur chemin vers l’est : depuis Bruxelles vers Vienne, Budapest, Belgrade et Ljubljana. Un voyage itinérant, dans l’espace et…. dans le temps. “Nous sommes allés à la rencontre de l’histoire, de la construction européenne, aux frontières de l’Europe forteresse construite par les Etats, et avons réalisé combien les territoires sont mouvants, commente Nathalie Totin. Nous avons une idée plus concrète de ce qu’est l’Europe, dans toute sa diversité”, soulève l’enseignante. Cette diversité les surprend. “Alors qu’en Afrique, on s’attendait à la différence, nous ne nous attentions pas à la rencontrer dans de telles proportions en Europe. Elle est parfois difficile à accepter”, réagissent en chœur les élèves, le sourire aux lèvres.

Les notions de dedans et de dehors rythment le séjour. “Nous sommes allés à la rencontre des frontières construites entre les peuples. Nous avons voyagé de ville en ville, perdant nos repères, traversant quatre univers”, expriment les jeunes rhétoriciens. A chaque fois, revenait cette thématique de l’ouverture et de la fermeture, illustrée par ce mur de barbelés à Röszke, village hongrois à la frontière serbe. “Cette limitation de mouvement à l’égard de ceux qui n’ont pas le bon passeport, je l’ai vécue comme une injustice profonde”, témoigne Déborah. “Nous y avons accroché des fleurs…”, glisse Myriam en montrant le cliché collé dans son épais carnet de voyage. “Je me suis sentie touchée. Perdue. Ce mur était à mes yeux inhumain…”, poursuit-elle. Mais lorsque les jeunes se retrouvent logés avec les migrants, la réalité les confronte, pour certains trop violemment. “La distance que nous mettions, peut-être par peur, entre eux et nous, nous mettait face à nos contradictions. Je pouvais alors comprendre, en le regrettant, que ces mécanismes soient mis en place à plus grande échelle…”, analyse après coup Myriam.

“Nous sommes les décideurs de demain” Après une année de projet, les professeurs ressortent confortés dans leur souhait de voir l’enseignement faciliter – voire intégrer – les projets citoyens. “Ce fut une expérience de pédagogie globale”, commente Nathalie Totin, qui espère que MWA “sera à la base de choix que les élèves feront plus tard”. Aujourd’hui déjà pointe chez certains ce sentiment de responsabilité de partager, de témoigner. “C’est une arme pour changer les mentalités”, croit Myriam. D’autres vont un pas plus loin. Ainsi, Chloé retient comme un tournant ce jour lors duquel elle a démarché les élèves de l’école pour signer une pétition d’Amnesty. “J’ai pris conscience de l’intérêt qu’avaient les plus jeunes pour le respect des droits humains et de la portée d’une signature, explique-t-elle. Ce projet a éveillé en moi le souhait de m’intéresser de plus près au travail associatif et de m’y impliquer”. “Nous sommes ceux qui, demain, devront trouver des solutions aux problèmes”, soulève encore avec justesse Myriam.

En échos à ces mots, Ysaline ponctuera son travail de fin d’études sur ce souhait : “Soyons tous et toutes acteurs et actrices du changement car le monde ne demande pas mieux de nous accueillir à bras ouverts. A présent, c’est à nous de le remercier, en le préservant et en le rendant plus beau, plus paisible et plus juste”.

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