Les facettes d’une rencontre interculturelle

Partir au Rwanda avec Entraide et Fraternité sous la supervision de leur partenaire local, Aprojumap, ce n'est pas de tout repos.

Léon discute avec Jeanette après le match de football, sur le terrain de l'école de l'ES Mutunda.
Léon discute avec Jeanette après le match de football, sur le terrain de l'école de l'ES Mutunda.

Malgé la splendeur des paysages rwandais, la beauté des collines vertes qui s'étendent à l'infini et la météo clémente, les élèves de l'Institut Robert Schuman d'Eupen et de l'Institut de la Sainte-Union de Kain, ne sont pas ici pour faire du tourisme.

Le Mémorial de Murambi

En début d'immersion, les élèves sont partis visiter le mémorial de Murambi où, selon les sources officielles, sont enterrés environ 50 000 corps des victimes du génocide des Tutsis de 1994. Rassemblées dans cette école technique sur le haut d'une colline, ces personnes ne pouvaient se douter du traquenard dans lequel elles s'étaient engouffrées. Stratégiquement positionnées, les milices de l'Interahamwe s'étaient dispersées tout autour de la colline, sous les ordres du gouvernement, pour les exterminer une à une, sans qu'aucune issue ne soit possible. Parmi les 6 mémoriaux nationaux, celui-ci a la particularité de montrer aux visiteurs des cadavres à moitié momifiés et conservés dans la chaux. L'odeur, les postures, les vêtements, tout est bouleversant. Pourquoi conserver ces corps dans un tel état ? "Parce qu'il faut des preuves", explique le guide du musée. Malheureusement, face au négationnisme, il faut sans cesse prouver que ce génocide a bien eu lieu et que ni femmes, ni enfants, ni personnes âgées n'ont été épargnés. Les blessures et les diagnostics des morts sont les preuves d'assassinats orchestrés, aux techniques de mise à mort similaires, d'une violence sans nom. "Je ne peux pas m'empêcher de penser au génocide des juifs chez nous. C'est effrayant de voir que malgré tout, l'humain reproduit ces atrocités. Il faut continuer à faire un travail de mémoire important", exprime Sophie Duhayon, professeure à l'Institut Sainte-Union de Kain, très émue. Le Rwanda en est conscient et ne cesse de mettre en place des dispositifs pour que la mémoire nationale reste intacte, notamment grâce à l'organisation d'une longue commémoration annuelle.

20150217 - RWANDA , NYANZA: Visite du Memorial du Genocide de Murambi, le 17 fevrier 2015. PHOTO OLIVIER PAPEGNIES / COLLECTIF HUMA (OLIVIER PAPEGNIES)
20150217 - RWANDA , NYANZA: Visite du Memorial du Genocide de Murambi. ©OLIVIER PAPEGNIES / COLLECTIF HUMA

Découvrir Aprojumap

Accueillis par Aprojumap qui supervise leur immersion depuis leur premier jour, les élèves découvrent les projets menés par cette ONG partenaire qui tente de soutenir l'entreprenariat individuel et solidaire en vue de lutter contre la pauvreté en milieu rural. Aprojumap développe un programme large qui passe du renforcement des capacités de production et de structuration en coopératives efficaces et durables de leurs bénéficiaires à l'augmentation et à la diversification des productions végétales et bien d'autres choses encore. Tôt le matin, les élèves ont eu, pendant plusieurs jours d'affilée, la chance d'assister à un chantier de solidarité mené par la communauté locale. Ces chantiers sont exécutés pour venir en aide aux ménages les plus démunis. Les élèves prêtent main-forte et apprennent comment construire des adobes en terre grâce à des moules sur mesure. "Ils font tout à partir de la nature. Nous, on s'entoure d'objets futiles qui demandent des ressources, de l'énergie. Ici on réfléchit à la question de l'évolution. Est-ce vraiment de l'évolution ou du gaspillage à tout-va qu'on pratique chez nous ?", s'interroge, pensive, la professeure Sophie Duhayon.

Un beau moment de complicité entre les élèves de l'Institut de la Sainte-Union de Kain et les jeunes collaborateurs d'Aprojumap.
Un beau moment de complicité entre les élèves de l'Institut de la Sainte-Union de Kain et les jeunes collaborateurs d'Aprojumap. ©Constance Frère

Le football comme vecteur de rencontre

"Aujourd'hui, nous allons jouer contre l'équipe féminine de football de l'école de l'ES Mutunda" annonce Cyprien, le coordinateur d'Aprojumap, un matin. Tout le village est là pour assister au match des championnes du district contre les jeunes Belges sur un terrain dont la vue verdoyante est époustouflante. Malgré le courage et la détermination des Belges, ils doivent bien s'avouer perdants face au talent des jeunes Rwandaises. Le match se termine en échange de maillots et en embrassades. Les jeunes en profitent pour entamer des discussions et échanger dans une ambiance festive. "Je me doutais déjà que l'Afrique allait être différente de l'image que je m'en faisais. Je suis contente de l'expérience que j'ai la chance de vivre. C'est un vrai développement personnel", témoigne Clemens, élève à l'Institut Royal Schuman d'Eupen. "J'encouragerai tout le monde à faire ce voyage. Je leur dirai de participer à tout, même si, de prime abord, on peut avoir peur. Il ne faut rien rater parce que c'est incroyable tout ce qu'on a fait déjà rien qu'en 6 jours", explique Elena, élève du même Institut.

Discussions et échanges pendant le match qui opposait les élèves de l'ES Mutunda et les Belges.
Discussions et échanges pendant le match qui opposait les élèves de l'ES Mutunda et les Belges. ©Constance Frère

Il reste encore du chemin à parcourir par les jeunes Belges, tout comme par les jeunes Rwandais, pour apprendre à se connaître et déconstruire les stéréotypes et les préjugés qu'ils ont les uns sur les autres. "Les Rwandais, aussi, ont des préjugés sur nous. Quand j'ai lavé mes affaires à la main, ils étaient étonnés ! On a l'impression qu'on est des blancs fragiles et riches" s'exclame Jeanne, élève à l'Institut de la Sainte-Union. De fait, même si les distorsions sont grandes et les niveaux de confort différents, tout le monde ne vit pas dans le luxe en Europe. Voilà de quoi en surprendre plus d'un au Rwanda ! Pour chaque jeune, Rwandais comme Belge, le projet tente de mettre en exergue les idées préconçues qu'ils ont les uns sur les autres. Une déconstruction qui va de pair avec le développement d'un esprit critique qui leur permettra, par la suite, d'agir en connaissance de cause et de s'impliquer, à leur manière, pour un monde plus juste, plus durable et plus solidaire.

Malgré la barrière de la langue, les élèves trouvent toujours un moyen pour se faire comprendre par leurs correspondants.
Malgré la barrière de la langue, les élèves trouvent toujours un moyen de se faire comprendre par leurs correspondants. ©Constance Frère
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