Coronavirus: les propos de Trump trahissent une dangereuse impatience
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- Publié le 24-04-2020 à 19h15
- Mis à jour le 24-04-2020 à 19h17
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Réduite à un enjeu électoral, sa gestion de la crise du Covid-19 paraît de plus en plus incohérente.
Donald Trump a une obsession : en finir au plus vite avec la crise du Covid-19 - et, dans l’intervalle, convaincre son électorat qu’il maîtrise la situation pour s’imposer en sauveur de l’Amérique et être réélu. Dans le même temps, s’il faut en croire un article publié jeudi par le New York Times, le Président est plus seul que jamais, fait confiance à un cercle de plus en plus restreint de collaborateurs, et arrive à ses points de presse quotidiens sans les avoir préparés.
C’est sans doute sur le compte à la fois de cette ambition et de cette improvisation qu’il faut mettre le dernier dérapage en date du chef de l’exécutif. Une fois de plus en roue libre, dans ce qui ressemble la plupart du temps à un soliloque, Donald Trump a donné à entendre, jeudi, qu’on pourrait se débarrasser facilement du nouveau coronavirus soit en s’exposant à des rayons ultraviolets ou à "une très forte lumière", soit en absorbant directement, "sous forme d’injection par exemple", des produits désinfectants.
Même jaugées à l’aune des propos si régulièrement désarçonnants de Donald Trump, ces deux suggestions ont provoqué la sidération d’un bout à l’autre de la planète, en particulier dans les milieux médicaux, mais pas seulement. Les fabricants de produits désinfectants, comme Lysol, en Amérique du Nord, ont immédiatement publié des communiqués pour dissuader les utilisateurs de prêter foi à "certaines spéculations", tandis que les médecins rappelaient que de tels produits ne sont pas des remèdes, mais des poisons - "que les gens utilisent généralement pour se suicider"… Quant aux UV, leur effet cancérogène n’est plus à démontrer.
Une dangereuse impatience
Que Donald Trump ait coupé court aux tentatives désespérées du Dr Deborah Birx, coordinatrice du groupe de travail sur le Covid-19, de corriger le tir, trahit son impatience dans la recherche d’un traitement. Donald Trump avait auparavant pris fait et cause pour l’hydroxychloroquine, contre laquelle la Food and Drug Administration (FDA) a explicitement mis en garde vendredi. Mardi dernier, Rick Bright a été écarté de la direction de Barda (Biomedical Advanced Research and Development Authority), l’agence fédérale chargée de trouver un vaccin, parce que, affirme-t-il, il s’est opposé à la demande de la Maison-Blanche de commercialiser rapidement un médicament encore en cours d’expérimentation.
La cohabitation de Donald Trump avec les scientifiques est d’autant plus compliquée que le Président évolue dans un monde bâti, selon la mémorable expression de sa conseillère en communication Kellyanne Conway, sur "des faits alternatifs". La complexité de la crise actuelle plonge le Président dans un abîme de désarroi, ce qui se traduit par des prises de position contradictoires ou incohérentes. Ainsi, après avoir recommandé le confinement sur tout le territoire national, il a appelé, dans une série de tweets pour le moins hallucinants, à "libérer" le Michigan, la Virginie ou le Minnesota - des États gouvernés par des Démocrates qui seront de gros enjeux en novembre prochain. Avant de désavouer, jeudi, le gouverneur de la Géorgie - un Républicain pourtant - qui l’avait pris au mot en décidant la relance des activités économiques.
Plus de 50 000 morts
Cette valse-hésitation reflète une analyse de la situation en termes de stratégie électorale. Or les sondages sont de moins en moins favorables au Président à mesure que le bilan s’alourdit. Jadis ravalé au rang de "canular démocrate", le Covid-19 a déjà fait plus de 50 000 morts aux États-Unis, pays le plus durement frappé par la pandémie. Les États du Nord-Est (y compris New York et le New Jersey) représentent deux tiers des décès, ce qui suggère par ailleurs une contagion dès février au départ de l’Europe plutôt que de l’Asie. Ce qui déforce le principal argument de Donald Trump lorsqu’il se flatte d’avoir réagi très tôt en interdisant l’accès du territoire américain aux voyageurs chinois.