Donald Trump poursuit une stratégie qui privilégie l’électorat blanc
Il espère ainsi remporter l’enjeu stratégique du Midwest. Mais, ce faisant, il pourrait perdre dans des fiefs républicains.
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- Publié le 09-09-2020 à 09h29
- Mis à jour le 09-09-2020 à 18h30
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La Fête du travail (Labor Day), célébrée lundi dernier aux États-Unis, marque traditionnellement le début de l’ultime ligne droite vers l’élection présidentielle et, à moins de deux mois du scrutin, la campagne a effectivement pris un tour plus agressif. Covid ou pas, les candidats ont compris qu’ils ne pouvaient pas continuer à mener celle-ci à distance, de façon virtuelle. Ils sont donc de retour sur le terrain.
Si le rythme sera probablement moins frénétique qu’à l’accoutumée (quand les prétendants à la Maison-Blanche sillonnent le pays en tous sens), l’affrontement ne s’annonce pas moins intense. Les candidats à la vice-présidence, Mike Pence et Kamala Harris, ont donné l’exemple en se rendant tous deux lundi dans le Wisconsin. Pour la sénatrice démocrate de Californie, c’était le premier déplacement dans un des États susceptibles de faire pencher la balance, le 3 novembre, depuis que Joe Biden l’a désignée comme colistière.
Les affinités incertaines du Midwest
Le choix du Wisconsin par l’un et l’autre camp confirme, si besoin en était, l’enjeu que représente le Midwest. Les regards s’y tournent vers trois États en particulier, des bastions historiquement démocrates qui trahissent désormais des sympathies républicaines : le Michigan (remporté en 2016 par Donald Trump avec un écart de 0,23 %, soit 10 700 voix), le Minnesota (gagné par Hillary Clinton avec une avance de 1,52 %, soit 44 700 voix) et le Wisconsin (enlevé par Trump avec un avantage de 0,67 %, soit 22 700 voix). L’enjeu ne représente au total que 36 "grands électeurs" sur 538, mais il pourrait faire la différence - comme il l’a fait il y a quatre ans.
La visite de Pence et Harris au Wisconsin a également confirmé les stratégies poursuivies. La sénatrice, qui a rendu visite à la famille de Jacob Blake, grièvement blessé par un policier qui lui a tiré dans le dos à sept reprises, a mis l’accent sur la solidarité, dénoncé les discriminations et placé les minorités au cœur de son discours. Le vice-président, qui n’a jamais mentionné Blake, s’est concentré sur les émeutes et les pillages que la bavure policière a provoqués à Kenosha, assurant que, s’il est élu, Joe Biden mènera "les mêmes politiques qui ont livré à la violence les grandes villes américaines".
Michael Cohen et le racisme de Donald Trump
L’approche de Mike Pence, qui épouse naturellement la ligne tracée par Donald Trump ("la loi et l’ordre"), suggère que le ticket républicain mise résolument sur l’électorat conservateur blanc et a renoncé à toute percée significative auprès des minorités. Peut-être s’est-on résigné à la vanité des efforts entrepris dans cette voie, alors que le Président ne semble pas pouvoir corriger sa réputation de raciste. Son ancien avocat personnel, Michael Cohen, vient encore d’en apporter un témoignage, dans un livre au vitriol paru lundi, Disloyal : A Memoir. L’homme, qui est sous le coup d’une peine de trois ans de prison pour avoir menti au Congrès (sur les relations de son client avec le Kremlin), décrit "la haine et le mépris" que Donald Trump voue à Barack Obama. Il estime que ce sentiment s’explique en partie par un racisme ancien et profond qui pousse le Président à nourrir tout aussi peu de considération pour Nelson Mandela.
Après s’être lui-même rendu dans le Wisconsin jeudi dernier (il avait rencontré les leaders de la communauté noire à Kenosha), Joe Biden est attendu dans le Michigan ce mercredi. La volonté est clairement de ne pas abandonner le Midwest à Donald Trump, une erreur qu’Hillary Clinton avait commise en 2016.
Le candidat démocrate entend par ailleurs attaquer son adversaire là où il pouvait se croire invulnérable, par exemple en Géorgie ou encore au Texas, ce fief républicain où les sondages donnent Biden et Trump dans un mouchoir. Les espoirs du premier y reposent sur la mobilisation des minorités, d’une population hispanophone en rapide croissance surtout, mais aussi sur les désillusions d’une partie de l’électorat conservateur qui, entre autres déconvenues, n’aura guère apprécié les récents commentaires prêtés au Président sur les soldats américains tombés en 14-18 sur le sol européen. Il les aurait qualifiés de "losers" (des perdants, des ratés)…