Coronavirus : le Brésil, à bout de souffle
Le Covid-19 repart à la hausse, après un sentiment de retour à une vie normale.
Publié le 23-11-2020 à 10h51 - Mis à jour le 05-03-2021 à 19h30
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Les plages bondées de Rio de Janeiro et la célèbre avenue Paulista de São Paulo grouillante de monde ont pu donner, ces derniers temps, l’impression d’un retour à une vie presque normale, après huit mois d’épidémie de Covid-19. Fatigués d’un isolement social prolongé, les Brésiliens qui avaient pu rester chez eux ont recommencé à sortir et à se rendre dans les bars, les restaurants et les cinémas, rouverts progressivement depuis la fin juin. Depuis quelques semaines, certaines écoles privées et publiques accueillent à nouveau leurs élèves.
Les chiffres pouvaient sembler prometteurs. Dans le deuxième pays au monde le plus endeuillé par le coronavirus, la moyenne des décès quotidiens liés au Covid-19, supérieure à 1 000 entre juin et août, était tombée début novembre sous la barre des 350. La moyenne des infections quotidiennes, qui avait connu son pic fin juillet avec plus de 46 000 cas, était tombée à moins de 17 000 début novembre.
Un signal encourageant, mais qui n’a pas duré. En quelques jours seulement, le nombre de morts quotidiens est repassé au-dessus des 500 et les nouvelles contaminations frôlent à nouveau les 30 000. Dans la très populeuse São Paulo, ville la plus touchée par le virus, les hospitalisations de patients du Covid-19 ont augmenté de 18 % la semaine dernière. À Rio, deuxième foyer de contamination du pays, les soins intensifs des hôpitaux publics arrivent à nouveau à saturation. Quant aux cliniques privées, elles font aussi face à un fort afflux de patients.
La première vague pas terminée
Pour les spécialistes de la santé, cela n’a rien de surprenant. " La première vague n’était même pas terminée ! ", pointe Margareth Dalcolmo, chercheuse à l’institut public Fiocruz. Elle note en particulier une hausse des infections chez les jeunes et les personnes qui avaient jusqu’à présent bien respecté l’isolement social. " Malheureusement, les lieux clos ont rouvert trop vite et il y a des fêtes clandestines sur la plage à Rio qui réunissent des milliers de personnes, sans qu’un vrai contrôle ne soit fait par les pouvoirs publics. Il va falloir revenir en arrière et adopter un comportement plus prudent ", prévient-elle.
Chef en infectiologie à l’Université d’État Pauliste, Alexandre Naime Barbosa abonde dans son sens : " Quand le Brésil a relâché ses mesures restrictives, le taux de transmission était plus élevé qu’en Europe lors du premier déconfinement. Et ici, la population a vu cette flexibilisation comme une permission pour agir comme avant. Le principal déclencheur de cette nouvelle recrudescence, ce sont ce que j’appelle les événements super-disséminateurs : des fêtes privées dans un lieu clos avec une centaine de convives qui finissent par oublier les règles de distanciation. Résultat, 10 % des personnes présentes ressortent infectées."
Mais pour l’heure, les maires de Rio et São Paulo, qui se préparent au second tour des municipales brésiliennes, le 29 novembre, n’entendent pas réinstaurer un nouveau confinement. Ils le savent, une telle mesure risque d’être très mal vécue par la population, alors que le pays, qui se remettait tout juste de la grave récession de 2016, devrait voir son économie chuter de 5,8 % cette année, selon les projections du Fonds monétaire international.
Dégâts perceptibles
Dans le centre d’affaires de Rio, les dégâts de la pandémie sont déjà perceptibles. Avec l’adoption généralisée du télétravail, les employés des sièges implantés dans la région ont déserté les rues, un coup dur pour les commerces locaux. " Depuis le début de la pandémie, 40 % des bars et restaurants du centre historique ont baissé leurs rideaux, contre 20 % pour l’ensemble de la ville. Ceux qui tiennent bon auront du mal à survivre à un nouveau confinement ", s’alarme Fernando Blower, représentant du secteur.
Au cœur de São Paulo, le frère franciscain João Paulo coordonne la distribution quotidienne d’une soupe populaire. "Nous recevions surtout des SDF, mais depuis le début de la pandémie, nous voyons aussi beaucoup de personnes qui ont un logement et vivaient de petits boulots informels. Même avec le déconfinement, ils n’ont plus assez de travail pour s’acheter à manger."