Acculé, le président Jair Bolsonaro tente le tout pour le tout: "Son objectif n’est pas de remporter l’élection, c’est de faire un coup d’État"
Il a à nouveau laissé planer le doute sur la tenue de la présidentielle en 2022.
Publié le 08-09-2021 à 19h14 - Mis à jour le 08-09-2021 à 21h34
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Le président Jair Bolsonaro (extrême droite) était déterminé à faire de la fête de l’indépendance brésilienne, le 7 septembre, une démonstration de force. Après des semaines de relations tendues avec le pouvoir judiciaire, le chef d’État, galvanisé par les manifestations de ses partisans dans tout le pays, a réitéré ses attaques contre la Cour suprême en ciblant surtout un homme, Alexandre de Moraes, l’un des onze juges de la haute juridiction, qui a ouvert une enquête contre Jair Bolsonaro pour diffusion de fausses informations et ordonné l’arrestation d’alliés soupçonnés de préparer des actions antidémocratiques.
"Le Président qui vous parle ne respectera plus aucune décision de M. Alexandre de Moraes", a lancé le leader d'extrême droite, bravache, à ses 125 000 supporters rassemblés sur l'avenue Paulista, principale artère de São Paulo, exhortant dans la foulée le magistrat à arrêter de se "comporter comme une canaille". Un peu plus tôt dans la journée, à Brasília, il avait appelé le président de la Cour suprême à "remettre" le juge "à sa place", sans quoi le tribunal pourrait "subir des conséquences dont personne ne veut".
Grave crise institutionnelle
Des propos qui laissent à penser que Jair Bolsonaro a décidé de jouer son va-tout, entraînant au passage le Brésil dans une grave crise institutionnelle. Pourquoi une telle stratégie ?
Entre les affaires judiciaires, la gestion gouvernementale chaotique de la pandémie de Covid-19 - actuellement passée au crible par une commission d’enquête parlementaire - la hausse du chômage et de la pauvreté, la poussée de l’inflation et la crise énergétique provoquée par une sécheresse historique, de nombreux voyants sont au rouge pour le chef de l’État, qui vise une réélection en 2022.
Jamais son impopularité n’a été aussi élevée, avec 51 % d’avis défavorables selon le dernier sondage Data Folha réalisé en juillet dernier. Il est donné largement perdant aux prochaines présidentielles face à sa bête noire, l’ex-dirigeant de gauche Luiz Inacio "Lula" da Silva.
Selon des collaborateurs interrogés par le journal Folha de São Paulo, la mobilisation en faveur du Président visait donc à lui faire "retrouver des forces" et à "récupérer son statut de leader anti-système" qui avait si bien servi son élection en 2018.
"Jair Bolsonaro se sent acculé et il ne lui reste qu'une option, celle de la confrontation", observe pour sa part Mauricio Santoro, politologue à l'Université d'État de Rio de Janeiro.
La présidentielle aura-t-elle lieu ?
Dans cette optique, l'ultradroitiste ne semble pas prêt à accepter une éventuelle défaite au prochain scrutin présidentiel. Voilà plusieurs mois qu'il cherche à discréditer le vote électronique, assurant - sans preuve - que ce système, adopté en 1996 par le Brésil, aurait déjà subi des fraudes massives. Après avoir échoué à introduire l'impression d'un reçu papier du vote de l'électeur, Jair Bolsonaro a de nouveau fait planer le doute sur la tenue des présidentielles, se refusant à "participer à une farce".
Pour Marcos Nobre, président du Centre brésilien d'analyse et de planification, interrogé par Folha de São Paulo, "l'objectif du Président n'est pas de remporter l'élection, c'est de faire un coup d'État", une version brésilienne mieux organisée de "l'invasion du Capitole" à Washington en janvier dernier par les partisans de l'ex-président américain Donald Trump.
Malgré ces menaces putschistes, Mauricio Santoro ne croit pas à une destitution de Jair Bolsonaro avant la fin de son mandat : "Sa popularité a beau être réduite, elle est suffisante pour le protéger" et lui assurer, pour l'instant, une certaine base parlementaire.