La Cour suprême américaine limite les moyens de l'Etat fédéral de lutter contre le réchauffement climatique : une décision "dévastatrice"
Les juges conservateurs dénient à l’État fédéral le droit de réguler les émissions des centrales à charbon.
- Publié le 30-06-2022 à 16h12
- Mis à jour le 30-06-2022 à 20h16
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ZT3TZCASYFDNFD6TJB5KSCLTQM.jpg)
La Cour suprême des États-Unis a limité jeudi les moyens de l’État fédéral de lutter contre les gaz à effet de serre. Une décision qui aura un lourd impact dans le combat pour limiter le réchauffement climatique et qui éloigne la perspective de voir le pays respecter les engagements climatiques pris devant la communauté internationale (réduction de 50 à 52% des émissions en 2030 et neutralité carbone en 2050). Les six juges conservateurs ont estimé, contre l’avis de leurs trois collègues progressistes, que l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA) ne pouvait pas édicter de règles générales pour réguler les émissions des centrales à charbon, qui produisent près de 20 % de l’électricité aux États-Unis. Dans son ensemble, la production d’électricité est à l’origine d’environ 32 % des émissions totales de CO2 du secteur énergétique du pays.
“Mettre une limite aux émissions de dioxyde de carbone à un niveau qui imposerait de renoncer au niveau national au charbon pour produire l’électricité pourrait être une solution pertinente à la crise d’aujourd’hui. Mais il n’est pas plausible que le Congrès ait donné à l’EPA l’autorité d’adopter une telle mesure”, écrit le juge John Roberts dans cet arrêt. “Aujourd’hui, la Cour a retiré à l’Agence de protection de l’environnement le pouvoir que le Congrès lui a donné de répondre au ‘problème le plus pressant de notre époque’”, dénonce dans un argumentaire distinct la magistrate progressiste Elena Kagan, rappelant que les six années les plus chaudes ont été enregistrées au cours de la dernière décennie. Au-delà de l’EPA, cette décision pourrait limiter les efforts de toutes les agences fédérales de régulation, notamment celle sur la santé et la sécurité au travail.
Victoire du lobby pro-charbon
Salué par plusieurs gouverneurs républicains à l’origine de la procédure en justice, cet arrêt est jugé “catastrophique” par l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. Un porte-parole de la Maison-Blanche a pour sa part dénoncé “une nouvelle décision dévastatrice de la Cour qui vise à ramener notre pays en arrière”. Après la volte-face sur l’avortement la semaine dernière, il représente un nouveau changement de pied à la Cour suprême. En 2007, elle avait en effet décidé à une courte majorité que l’EPA était compétente pour réguler les émissions de gaz à effet de serre, au même titre qu’elle est chargée par une loi des années 1960 de limiter la pollution de l’air. Mais depuis, l’ex-président républicain Donald Trump, un climato-négationniste hostile à toute contrainte pour l’industrie, a fait entrer trois magistrats au sein du temple du droit américain, cimentant sa majorité conservatrice (six juges sur neuf). Le dossier trouve sa source dans un plan ambitieux adopté en 2015 par Barack Obama pour réduire les émissions de CO2. Ce “Clean Power Plan”, dont la mise en œuvre revenait à l’EPA, avait été bloqué avant d’entrer en vigueur en raison des contestations juridiques émises par des entreprises charbonnières et des États favorables à cette énergie dirigés par des républicains, notamment la Virginie Occidentale.
L’EPA conserve des moyens d’action pour réduire les émissions et le président Biden pourrait également légiférer par décret en la matière, mais ces mesures auront une portée limitée et leur pérennité n’est pas garantie alors que conclure un accord au Congrès sur ce sujet est clairement illusoire dans le contexte politique actuel.