Mythomanie, mauvaises fréquentations et quelques casseroles... George Santos, le nouvel élu qui embarrasse les Républicains
À peine élu, George Santos est pressé de démissionner. Le député républicain de New York s’est signalé par sa mythomanie. Il a aussi de mauvaises fréquentations et traîne quelques casseroles.
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Publié le 02-02-2023 à 09h49
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Rarement un député fraîchement entré au Congrès américain s'est trouvé aussi vite aussi près de la sortie. Élu conservateur de New York, George Santos traîne tellement de casseroles que, selon un sondage Newsday/Siena College publié mardi, 78 % des électeurs du 3e district, qu'il représente depuis le 3 janvier, souhaitent qu'il démissionne (9 % n'ont pas d'avis et à peinet 13 % ne réclament pas son départ). Fait plus remarquable, et sans guère d'équivalents dans l'histoire politique des États-Unis, la conviction est presque aussi forte au sein de son propre parti : 71 % des Républicains dans sa circonscription ne veulent plus de lui.
Cette extrême impopularité s’explique sans doute par des facteurs extérieurs. Au tout début d’un premier mandat, Santos, 34 ans, n’a pas eu le temps de former un solide contingent de partisans inconditionnels. Il a été élu, qui plus est, dans un district qui vote généralement pour les Démocrates : le seul président républicain qui s’y imposa au cours des trente dernières années fut George W. Bush en 2004 - mais, sur la même période, un député républicain, Peter King, réélu neuf fois, réussit à y conserver la faveur des électeurs pendant vingt ans.
Aussi la personnalité de George Santos est-elle clairement en cause. Et d’abord sa mythomanie. Son autobiographie est un tissu de mensonges comme on a en rarement vu. Le député s’est non seulement inventé une formation prestigieuse, mais s’est également décrit comme un étudiant exceptionnellement brillant. Ni l’école privée Horace Mann, ni le Baruch College, ni l’Université de New York n’ont pourtant trouvé trace de sa soi-disant présence, et Santos a bien dû reconnaître qu’il n’avait jamais obtenu de diplôme de l’enseignement supérieur. Son CV mentionne pareillement des expériences professionnelles enviables, dans des sociétés comme Citigroup et Goldman Sachs, mais, de nouveau, on ne l’y a jamais vu.
Un juif imaginaire
Ces affabulations pourraient à la rigueur sembler tristement banales si celui que la presse américaine qualifie savoureusement de "serial fabulist" ne s'était pas prétendu de confession juive (possiblement un atout pour se faire élire à New York), poussant le bouchon jusqu'à faire de ses grands-parents des juifs ukrainiens qui auraient échappé à l'Holocauste en fuyant au Brésil via la Belgique. Santos a bien un arrière-grand-père belge, mais l'aventure s'arrête là. Sa famille est installée au Brésil de longue date et n'a de liens ni avec l'Ukraine ni avec la Shoah. Le député a, au demeurant, concédé qu'il est en réalité catholique - pour le moment.
Les proches de George Santos auraient non seulement survécu au génocide hitlérien, mais également aux attentats du 11 septembre 2001. Sa mère, en tout cas, qui, à en croire le site de campagne du candidat, se serait trouvée dans l’une des tours jumelles, le matin fatidique. Elle en aurait miraculeusement réchappé. Les archives de l’immigration américaines révèlent, toutefois, que Fatima Devolder a demandé un visa pour les États-Unis en février 2003, alors qu’elle résidait au Brésil, et a déclaré à cette occasion ne s’être plus rendue en Amérique depuis 1999.
Un larcin bien réel
D’un autre épisode de son existence fantasmée, George Santos ne se vante guère, alors qu’il est bien réel, celui-là. En 2008, à Niteroi, dans l’État de Rio de Janeiro, le jeune homme, qui avait alors 19 ans, a acheté pour 700 dollars dans une boutique de vêtements en utilisant un carnet de chèques volé à l’employeur de sa mère. La police brésilienne entend faire toute la lumière sur cet incident, que le député a reconnu en indiquant vouloir indemniser la victime.
Les ressources de Santos intéressent aussi la justice américaine. L’homme a affirmé disposer d’une fortune considérable, en invoquant une réussite dans les affaires digne de Donald Trump. Mais, à seulement 34 ans, et en ayant poursuivi une carrière qu’on découvre largement imaginaire, le député n’est pas sûr de pouvoir convaincre facilement ceux qui s’interrogent sur le financement de sa campagne électorale. On sait qu’il a bénéficié de la gérénosité d’un certain Andrew Intrater. Né d’un père ukrainien rescapé, lui, de l’Holocauste, Intrater est un proche de Michael Cohen, l’ancien avocat personnel de Donald Trump, mais aussi un cousin de Viktor Vekselberg, un oligarque russe qui est sous le coup de sanctions américaines.
Où l’on retrouve Stormy Daniels
Intrater paraît avoir été une victime, plus qu’un complice, de George Santos, qui l’aurait piégé dans des investissements douteux - on évoque un système de Ponzi à propos d’une des sociétés du député (qui se faisait alors appeler George Devolder), Harbor City, dans laquelle l’homme d’affaires new-yorkais aurait englouti des centaines de milliers de dollars. Cela ne rend pas la fréquentation plus sympathique : Intrater est soupçonné d’avoir contribué à payer, par l’intermédiaire de Cohen, l’actrice porno Stormy Daniels, dont Trump voulut acheter le silence peu avant l’élection présidentielle de 2016.
Tout cela commence à faire beaucoup, même au sein d'un Parti républicain qui s'est ouvert sur sa droite à des personnalités pour le moins extravagantes. Le jour où paraissait le sondage Newsday/Siena, George Santos a annoncé se retirer volontairement des deux commissions de la Chambre des représentants où il siégeait, celle des Petites Entreprises et celle de l'Espace, de la Science et de la Technologie. En prenant soin de préciser que ce retrait était temporaire, dans l'attente des conclusions de la commission d'Éthique de la Chambre qui a ouvert une enquête.
Démission à haut risque
Le nouveau président de la Chambre, Kevin McCarthy, n’aurait pas mis longtemps à se laisser persuader par cette demi-mesure. Il répugne à pousser le député à une démission qui serait dans l’ordre des choses (74 % des sondés estiment que Santos n’incarne pas les valeurs du Parti) parce qu’il redoute que, remis en jeu, le siège ne soit remporté par un Démocrate (le même sondage prédit une défaite de Santos par 21 points d’écart s’il devait affronter de nouveau son adversaire de novembre dernier, Robert Zimmerman). Avec une majorité qui ne tient qu’à cinq sièges, le Parti républicain ne peut se permettre de perdre des plumes - fussent-elles celles d’un vilain petit canard.