La plateforme TikTok menacée d’interdiction totale aux États-Unis
Le patron de l’application mobile chinoise a été auditionné par une commission du Congrès.
- Publié le 26-03-2023 à 20h19
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Shou Zi Chew, directeur général de TikTok, l’application de vidéos de divertissement à contenu court sur téléphone mobile, a été entendu en fin de semaine dernière pendant plus de cinq heures par la commission bipartisane de l’Énergie et de Commerce composée de membres élus au Congrès américain. TikTok est la propriété du groupe chinois ByteDance dont certains parlementaires estiment qu’il entretient des liens “troubles” avec le gouvernement chinois. L’audition du dirigeant de l’entreprise chinoise intervient dans un climat de grande méfiance des élus américains vis-à-vis de la politique de traitement par Tik Tok des données privées des utilisateurs américains, qui se comptent à plus de 150 millions. M. Chew a assuré que les données des Américains seraient “protégées”, mais sans vraiment semble-t-il convaincre les députés, qui, une fois n’est pas coutume, agissaient en front uni.
Jeudi, M. Chew, d’originaire singapourienne et ancien diplômé de Harvard, avait été forcé d’admettre que des données personnelles de certains Américains étaient toujours soumises à une loi chinoise datant de 2017 qui impose aux entreprises locales de remettre sur demande des autorités des données personnelles qui relèveraient de la sécurité nationale. Il a en revanche promis que d’ici la fin de l’année, les comptes des utilisateurs américains seraient gérés exclusivement par des serveurs situés aux États-Unis.
Une problématique double
Le malaise entourant TikTok englobe deux problématiques largement distinctes. D’un côté, la sécurité des données des utilisateurs, certains élus estimant que “l’accès de Pékin aux données des clients américains de la plateforme fait peser une menace sur la sécurité nationale des États-Unis”. De l’autre, se font entendre certaines voix qui fustigent la “servilité” des adolescents, principaux utilisateurs de l’application, à des contenus ayant tendance à “favoriser la frivolité et l’endormissement intellectuel” du jeune public américain. Les algorithmes américains et chinois de l’application fonctionnent en tout cas sur des bases inégales, avec une application distincte pour la Chine. Les premiers favorisent largement du contenu de divertissement tandis que les seconds, plus rigides, mettent en avant des vidéos courtes à contenu éducatif ou favorisant l’ambition académique.
Pékin a en tout cas balayé vendredi les accusations d’espionnage et de manipulation planant sur elle. Mao Ning, porte-parole de la diplomatie chinoise, a ainsi assuré que le gouvernement chinois “n’a jamais demandé ni de demander à quelconque entreprise de collecter ou de (lui) remettre des données provenant de l’étranger, d’une façon qui violerait les lois locales”. Les élus locaux américains semblaient en tout cas persuadés du contraire, à l’instar du représentant démocrate du New Jersey Frank Pallone, qui estimait “que le gouvernement communiste de Pékin (aurait) toujours le contrôle, et la capacité d’influencer ce que vous faites”.
Des élus aveuglés ?
Si les députés américains se sont présentés devant M. Chew en front uni, certaines critiques, dont des associations américaines de défense des intérêts des consommateurs, estimaient que l’application était “condamnée d’avance” avant que la commission ait pu commencer ses auditions.
Le débat sur TikTok et sur ses liens avec Pékin a également fait récemment son entrée sur le territoire européen. Les trois institutions piliers de l’Europe (Commission, Parlement et Conseil) ont toutes trois interdit à leurs employés de télécharger l’application sur leur téléphone de fonction, sans que les raisons en soient explicitement communiquées à la presse. La situation est similaire aux États-Unis, où 42 États sur cinquante ont interdit à leur personnel d’utiliser les services de l’entreprise chinoise. L’Inde a elle-même banni en 2020 l’application de téléphonie mobile sur son territoire.