Epuisés mais "heureux": les enfants rescapés de la jungle se reposent à Bogota
Ils ont pu voir leur famille.
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- Publié le 10-06-2023 à 20h54
- Mis à jour le 11-06-2023 à 15h41
Epuisés mais "heureux": les quatre enfants indigènes, sauvés après avoir erré 40 jours dans la jungle colombienne, se reposaient samedi dans un hôpital militaire de Bogota, alors que le pays continuait de se réjouir de ce "miracle" et de louer la coopération inédite entre militaires et indigènes lors des opérations de recherche.
"Je viens de regarder mes petits-enfants. Tout d'abord, ils ont de la vie (en eux). Même s'ils sont très épuisés, je sais qu'ils sont entre de bonnes mains", a commenté à la presse leur grand-père Fidencio Valencia, un Indien Huitoto de 47 ans.
"Ils sont heureux de voir la famille (...) ils ont tous leurs sens", s'est réjoui leur grand-père, poncho traditionnel indigène autour du cou, devant l'hôpital militaire de la capitale.
Les enfants "sont un peu inquiets de voir tant de monde autour d'eux, mais ils récupèrent, ils parlent un peu (...), c'est une grande joie de les voir comme ça", a commenté le ministre de la Défense Ivan Velasquez, à l'issue d'une visite à leur chevet en compagnie du président Gustavo Petro.
Juste quelques piqures
Lesly (13 ans), Soleiny (9), Tien Noriel (5) et Cristin (1) ont été retrouvés vivants vendredi après-midi par les sauveteurs, alors qu'ils erraient seuls dans la jungle depuis le crash le 1er mai du petit avion Cessna 206 à bord duquel ils voyageaient avec leur mère, le pilote et un proche. Les trois adultes sont décédés dans l'accident.
"Ils étaient déshydratés (...) Mais en général leur état est acceptable. Ils sont hors de danger", s'est félicité M. Velasquez.
Deux des enfants ont fêté leur anniversaire dans la jungle, a-t-il souligné: la benjamine Cristin a eu un an, et Tien Noriel cinq ans.
M. Velasquez a rendu un hommage appuyé à l'aînée Lesly: "c'est grâce à elle, son valeur et son leadership, que les trois autres ont pu survivre, avec ses soins, sa connaissance de la jungle".
A part "quelques lésions cutanées et piqures", les enfants ne présentent "pas de pathologie ou une quelconque situation de santé dégradée", a précisé un médecin militaire. "Ils sont dans une condition stable, des examens sont en cours" et un protocole de rénutrition leur est administré, avec un soutien psychologique.
Leur hospitalisation devrait durer entre deux et trois semaines, en fonction de la durée de leur prise en charge nutritionnelle.
Les quatre "parlent peu, mais ils sont joyeux (...) ce sont des enfants (...), ils commencent à vouloir jouer, Cristin en particulier", a commenté devant les journalistes Astrid Caceres, directrice de l'Institut du Bien-être familial (ICBF), administration en charge de la famille.
De la farine et des graines
"Cette petite est merveilleuse, calme avec les infirmières", s'est amusé Mme Caceres, qui a aussi lancé: "toute notre reconnaissance à l'ainée Lesly, c'est une jeune fille très forte!".
Cette responsable a aussi révélé que la fratrie avait été un moment accompagnée dans son errance par le chien Wilson, un chien berger de détection de l'armée. Celui-ci s'est égaré dans la jungle, mais l'armée a assuré continuer à le rechercher, au nom d'un "principe: on ne laisse personne derrière".
"Enfants de la brousse", ils "ont survécu au début en mangeant un peu de farine (qu'il y avait à bord de l'avion accidenté), puis des graines", seln leur grand-père, alors que les premières images diffusées par l'armée les avaient montrés frêles, amaigris et sans chaussure.
Hélitreuillés de la jungle et transportés vers la ville de San Jose del Guaviare, ils ont été acheminés dans la nuit par avion médicalisé à Bogota, pour y être hospitalisés au sein d'un établissement de santé des armées.
"Nous avons réussi l'impossible", s'est félicité le commandant en chef des forces armées colombiennes, le général Helder Fernan Giraldo, tandis que le pays entier se réjouissait de ce quadruple "miracle".
Le président Gustavo Petro avait annoncé la nouvelle vendredi soir au pays en évoquant "un jour magique" et de "joie", louant "un exemple de survie totale qui restera dans l'histoire".
Pour l'Organisation nationale des peuples Amérindiens de Colombie (Opiac), c'est aussi leur condition d'indigène, et ce lien très spécial avec la nature, qui a joué en faveur de leur survie dans la brousse.
"La survie des enfants est la démonstration de la connaissance et de la relation qu'entretiennent les indigènes avec la nature, un lien enseigné dès le ventre de la mère", selon un communiqué de l'Opiac.
Un "pays de paix"
Plus de 100 soldats accompagnés de chiens de détection et des dizaines d'indigènes cherchaient les enfants depuis la découverte de l'avion, le nez planté au sol au milieu d'une épaisse végétation.
Une nouvelle fois samedi, tous les officiels ont loué la coopération sur le terrain des commandos et des volontaires indigènes, dans un pays où des décennies de conflit interne et violences ont plutôt laissé une certaine défiance entre ces deux acteurs.
"Sans les indigènes, leur expérience et leur savoir de la jungle, ce résultat inespéré n'aurait pas pu être atteint, tous les militaires le reconnaissent", a souligné le ministre Velasquez: "ils ont été les guides de nos commandos dans la jungle".
Selon l'armée, les secouristes ont parcouru, en plus d'un mois, près de 2.656 km dans cette jungle impénétrable, environnement très hostile où rôdent jaguars, pumas, serpents et autres prédateurs. Les insectes de toutes sortes y sont particulièrement voraces, les pluies y sont quotidiennes, sans accès à l'eau potable.
En "travaillant avec la troupe", les volontaires indigènes ont "augmenté la capacité de réponse de l'Etat", a analysé la responsable de l'ICBF. "Tous ont travaillé ensemble", donnant l'image "d'un pays de paix". "Jamais il n'y avait eu une telle opération en Colombie", s'est-elle réjouie.