Peu importe le résultat du scrutin de 2024, le Mexique aura pour la première fois une femme présidente
La pré-campagne présidentielle, au Mexique, a donné au parti en place comme à l’opposition des visages féminins en vue des élections présidentielles de juin 2024.
- Publié le 08-09-2023 à 19h35
- Mis à jour le 08-09-2023 à 19h38
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Dans un mois et un an, le Mexique tournera la longue page exclusivement masculine de son histoire présidentielle. Que Morena, le parti du président Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO), confirme ou pas l’emprise dont il continue à bénéficier sur l’électorat, il y aura une femme aux manettes du Palais national le lendemain de la passation de pouvoirs qui s’y déroulera en novembre de l’année prochaine. Ce qui paraissait impensable à certains dans un pays connu pour ses violences faites aux femmes est pourtant arrivé, la mairie de Mexico ayant été un tremplin crucial pour Claudia Sheinbaum, candidate nommée mercredi par la majorité présidentielle.
Du côté de l’opposition, la coalition du Frente amplio a désigné le 31 août dernier Xochitl Galvez, entrepreneure du secteur Tech de la capitale, pour le représenter dans la course présidentielle. Au sein de ce rassemblement de partis classés à droite et au centre, opposés au populisme souverainiste de Morena, la compétition s’est par ailleurs jouée entre Xochitl Galvez et une autre femme, Beatriz Paredes, représentante de l’ex parti quasi-unique du PRI, symbole tant de l’autoritarisme paternaliste des années 1950-1980 que du néolibéralisme des années 1990, aujourd’hui fortement affaibli et obligé de s’allier avec d’autres forces.
”Un processus de transformation”
Pour gagner au sein de Morena, Claudia Sheinbaum s’est fortement appuyée sur sa qualité de femme : “Nous sommes dans un processus de transformation qui a fait place aux femmes”, a-t-elle répété à maintes reprises devant ses sympathisants, tout en s’inscrivant dans la continuité du discours du président AMLO sur la “Quatrième Transformation” en cours depuis son arrivée en pouvoir fin 2018, laissant entendre que le Mexique serait entré dans le quatrième grand bouleversement de son histoire républicaine après l’Indépendance, le temps des réformes et la Révolution de 1910-1920.
Dans différentes institutions, le processus de transformation paritaire a pourtant connu des avancées qui datent d’avant l’arrivée d’AMLO au pouvoir. “Depuis les années 1990, le Mexique a connu des avancées significatives en matière de parité parlementaire et même des postes gouvernementaux tant dans les États qu’au niveau fédéral”, rappelle la professeure de sciences politiques Karolina Monika Gilas du Centre d’études politiques de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM). La tête du pouvoir exécutif, cependant, continuait à résister à ces changements.
En parallèle, le féminisme a fait son chemin dans la société mexicaine, portant des revendications tels que le droit à l’avortement, que la Cour suprême vient enfin de dépénaliser au niveau fédéral à la suite d’un certain nombre de votes dans ce même sens au sein des chambres législatives des États.

Des maigres avancées
Les avancées, en revanche, restent peu convaincantes en matière d’égalité salariale, d’accès des femmes à l’emploi formel ou encore d’accès de ces dernières à la justice, alors que les féminicides continuent à lacérer jour après jour le tissu social et familial du pays.
“Attention à la confusion entre arrivée d’une femme au pouvoir et triomphe du féminisme”, prévient Adriana Baez Carlos, directrice du cabinet de conseil Buro Parlamentario, alors que ni l’une ni l’autre des deux candidates n’est connue pour son appartenance affichée au mouvement féministe. “Ni Sheinbaum, ni Galvez n’ont été portées par le mouvement féministe là où elles sont aujourd’hui. Bien au contraire, elles doivent leur carrière politique à des hommes qui les ont placées et protégées”.
La carrière académique de physicienne de Claudia Sheinbaum, en effet, a fait place à une carrière politique lorsque cette dernière est devenue l’adjointe à l’Environnement d’AMLO, alors maire de Mexico (2000-2005). Morena, le parti de l’actuel président, l’a ensuite portée comme maire de l’arrondissement de Tlalpan jusqu’à ce qu’elle prenne à son tour la tête de la capitale en 2018, simultanément à l’accession de son mentor à la Présidence de la République.
Celle que tous les sondages donnent gagnante en 2024 au vu l’hégémonie persistante de Morena sur l’électorat mexicain s’est fait remarquer en très bons termes pendant un mandat de maire de Mexico, marqué une réduction des homicides et autres délits, un essor économique et une amélioration significative des transports publics et autres infrastructures.