Comment les Républicains cherchent à occulter les déboires judiciaires de Donald Trump
Sous la pression des élus conservateurs, le "speaker" de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a ordonné une enquête en destitution à l'encontre de Joe Biden. L'issue est courue d'avance, mais l'essentiel pour les Républicains est de faire diversion.
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- Publié le 13-09-2023 à 16h57
- Mis à jour le 13-09-2023 à 17h03
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Kevin McCarthy savait qu’il lui faudrait naviguer par gros temps, après être devenu l’otage politique de l’aile droite du Parti républicain avec laquelle il dut négocier son élection au perchoir de la Chambre des représentants en janvier dernier – au quinzième tour de scrutin, du jamais-vu aux États-Unis depuis la guerre de Sécession. Mais le député de la Californie n’imaginait sans doute pas qu’il serait forcé d’orchestrer, comme speaker de la Chambre, une procédure d’"impeachment" aux allures de parodie.
C’est chose faite depuis mardi puisque le successeur de la Démocrate Nancy Pelosi a ordonné le lancement d’une enquête en destitution à l’encontre de Joe Biden, au motif que le Président aurait favorisé jadis les affaires de son fils, Hunter, en Chine et en Ukraine, en le faisant profiter de sa notoriété et de ses relations, et qu’il en aurait retiré un bénéfice financier. Joe Biden siégea pendant trente-six ans au Sénat (où il présida la commission des Affaires étrangères), avant d’être le vice-président de Barack Obama.
McCarthy était sous la pression du Freedom Caucus, le bloc le plus conservateur de la Chambre, qui compte dans ses rangs de chauds partisans de Donald Trump. Le feu vert à l’"impeachment" n’est, cependant, qu’une contrepartie. Si les députés républicains les plus radicaux reprochaient au "speaker" d’être trop conciliant avec les Démocrates, c’est parce qu’il cherchait, avec eux, à éviter une nouvelle paralysie du gouvernement ("shutdown") à la fin de ce mois en relevant le plafond de la dette et en entérinant le déficit budgétaire. Pour échapper à une motion de censure qui lui aurait coûté son poste, McCarthy leur a donc offert une procédure en destitution en guise d’os à ronger.
Contradiction républicaine
L’attitude de ces “conservateurs fiscaux” est paradoxale puisqu’ils se sont accommodés du creusement du déficit public sous la présidence de Donald Trump (plus 8 000 milliards de dollars en quatre ans). Tout en prônant la rigueur budgétaire et en coupant dans les programmes sociaux, les Républicains ont aussi pour tradition de dépenser plus que les Démocrates. Ronald Reagan, devenu leur père spirituel et référence idéologique, en a laissé un témoignage frappant.
L’acharnement à vouloir destituer Joe Biden s’explique sans doute aussi par les sollicitations directes de Trump, qui y voit un double avantage. C’est une façon pour lui, qui a fait l’objet de deux procédures d’"impeachment", de banaliser celles-ci en montrant que, désormais, tout le monde peut y être exposé. C’est aussi un moyen pour lui de créer un écran de fumée derrière lequel sa propre actualité judiciaire pourrait sinon disparaître tout à fait, du moins perdre de son éclat sensationnel.
Encore faut-il que l’essai contre Joe Biden soit transformé. Or, la procédure a connu d’emblée une anomalie. Kevin McCarthy a confié d’autorité le soin de mener l’enquête à trois commissions de la Chambre sans passer par un vote préliminaire des députés, comme c’est l’usage. La raison est simple : il n’était pas sûr d’obtenir les voix nécessaires, la majorité des Républicains n’étant que de cinq sièges sur 435.
Une démarche futile
Si certains Républicains sont animés d’une soif de revanche depuis les deux tentatives de destituer leur Président en 2019 et 2021, d’autres estiment la démarche totalement futile, sachant que les Démocrates contrôlent le Sénat, où ils acquitteront à coup sûr Joe Biden s’il devait y être jugé. Ils savent aussi que l’accusation est aujourd’hui on ne peut plus fragile. La procédure d’"impeachment" donnera, certes, davantage de moyens aux enquêteurs, mais, jusqu’ici, l’audition de nombreux témoins et le passage au peigne fin de milliers de documents et relevés bancaires, par les élus républicains de la Commission de surveillance, n’ont livré aucun élément à charge contre le Président.