Une attitude irresponsable transformée en acte de bravoure: Donald Trump se voit terrassant le Covid
Si le Président a quitté l’hôpital, son état de santé suscite des interrogations. En recul dans les sondages, il lui tarde de reprendre sa campagne électorale. En se glorifiant d’avoir surmonté l’épreuve du Covid.
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- Publié le 06-10-2020 à 21h51
- Mis à jour le 07-10-2020 à 16h10
La conduite de Donald Trump était prévisible dès lors qu’il ne développerait pas une forme aiguë de la maladie après avoir été testé positif au Covid-19 vendredi dernier : transformer en acte de bravoure ce qui, en toute logique, est plutôt la conséquence inéluctable d’une attitude irresponsable depuis le début de l’épidémie.
Un départ précipité de l’hôpital en dépit des réserves formulées par les médecins, un retour à la Maison-Blanche mis en scène d’une manière ridiculement hollywoodienne, et plusieurs déclarations péremptoires sur un virus dont la dangerosité aurait été grossièrement exagérée : Donald Trump n’avait pas d’autre choix que de tenter de retourner à son avantage sa contamination. L’inverse lui aurait été fatal. Prolonger son hospitalisation, apparaître non pas triomphant, mais affaibli, et appeler - enfin - ses compatriotes à la prudence face à une maladie qui a tué déjà quelque 210 000 Américains, voilà qui, en effet, serait revenu à désavouer sa politique consistant, depuis sept mois, à minimiser, voire à nier purement et simplement l’impact du "canular démocrate" devenu "virus chinois". Or, la gestion de la crise du Covid sera un des facteurs déterminants de l’élection présidentielle.
Tout ce qu’il faut à la Maison-Blanche
Sachant cela, on n’en est pas moins abasourdi par le comportement de Donald Trump. Sans doute prend-il peu de risques sur le plan personnel en refusant de rester plus longtemps à l’hôpital : il dispose à la Maison-Blanche de toute l’infrastructure nécessaire avec des médecins mobilisés en permanence. Il expose, en revanche, ses collaborateurs au danger d’une contamination puisqu’il est, selon toute vraisemblance, encore contagieux.
En appelant les Américains à "ne pas avoir peur" du Covid, à "ne pas laisser le virus dominer [leur] vie" et à "sortir" sans se laisser intimider, en les assurant aussi qu’il existe de bons médicaments et traitements (sans préciser ou comprendre que le Président bénéficie de soins inaccessibles au commun de ses concitoyens), en ôtant son masque dans un geste de provocation manifeste et en proclamant qu’il se sent "mieux qu’il y a vingt ans", Donald Trump les encourage à relâcher leurs efforts face au Covid ou à persister dans le déni.
Un gros foyer de l’épidémie
Cet entêtement est paradoxal dans la mesure où la Maison-Blanche est désormais devenue un gros foyer de l’épidémie. Toute la garde rapprochée du Président est infectée, ou peu s’en faut : son épouse Melania, ses proches conseillères Hope Hicks et Kellyanne Conway, sa porte-parole, Kayleigh McEnany, son directeur de campagne, Bill Stepien, la présidente du Comité national du Parti républicain, Ronna McDaniel, le directeur des Opérations du Bureau ovale, Nicholas Luna…
L’ex-gouverneur du New Jersey Chris Christie, qui a contribué à préparer Donald Trump au premier débat télévisé avec Joe Biden, a lui aussi été testé positif. Il ne sera donc probablement pas de la partie pour le deuxième, prévu à Miami, le 15 octobre, mais nul ne sait si le débat aura lieu. L’entourage du Président a fait savoir lundi que ce dernier avait bel et bien l’intention de participer, et lui-même a indiqué vouloir reprendre au plus vite sa campagne sur le terrain. L’incertitude n’en est pas moins grande.
Dissimulation, voire mensonge
Tout dépendra en premier lieu de l’évolution de l’état de santé de Donald Trump et, le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation est loin d’être claire. Les médecins qui ont soigné le Président à la Maison-Blanche d’abord, à l’hôpital militaire Walter Reed ensuite, ont été pris en flagrant délit de dissimulation, sinon de mensonge, sur la gravité initiale des symptômes de la maladie. La mise en scène quasiment nord-coréenne des points de presse n’a fait que renforcer le malaise ambiant.
Si le chef de l’exécutif a paru en meilleure forme lundi que lors de son admission à l’hôpital, il n’en a pas moins montré des signes de crispation. On lui a administré, ces jours derniers, un cocktail de médicaments dont les effets restent à découvrir, et il a reçu un traitement stéroïdien pour surmonter la fatigue et la douleur dont on sait qu’il peut provoquer agitation et agressivité. La seule certitude, de l’avis général, c’est que, s’il va mieux, Donald Trump n’est pas encore tiré d’affaire. Les médecins disent vouloir attendre lundi avant de se déclarer soulagés.
À moins d’un mois de l’élection, chaque jour compte, cependant, pour un président sortant qui perd des points dans les sondages. Il n’a d’autre choix que de laisser la place à son vice-président, Mike Pence, qui fait campagne pour lui et affrontera mercredi soir, à Salt Lake City, la sénatrice de Californie Kamala Harris, lors de l’unique débat entre colistiers. Mais rester au balcon, ce n’est pas ce qui convient à Donald Trump, Covid ou pas.