Aux Etats-Unis, la campagne présidentielle prend un tour délirant
Les facultés de Donald Trump pourraient être altérées par ses médicaments.
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- Publié le 09-10-2020 à 21h11
- Mis à jour le 12-10-2020 à 11h11
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Déjà bouleversée par l’épidémie de Covid-19, la campagne présidentielle aux États-Unis a pris un tour encore plus singulier depuis la contamination de Donald Trump. En quarantaine à la Maison-Blanche, après trois jours d’hospitalisation, le Président est comme un lion en cage, rapporte la presse américaine citant son entourage. Impatient de reprendre ses meetings aussi vite que possible, il tient, dans ses tweets et ses entretiens téléphoniques, des propos étonnants, pour ne pas dire délirants, et d’aucuns établissent un lien possible avec le traitement aux corticoïdes qu’il continue de recevoir.
Dans une interview d’une heure accordée jeudi à Fox News, Donald Trump a éreinté son adversaire démocrate, Joe Biden, qui ne pourrait pas tenir plus de deux mois à la Maison-Blanche, selon lui, "parce qu’il n’est pas mentalement capable". Il laissera donc la place à Kamala Harris, a poursuivi le Président, en déplorant que la sénatrice de Californie soit "une communiste" et... "un monstre".
Inculper Obama et Biden
Mais le Président s’en est pris tout aussi vertement aux membres de son cabinet. Il a reproché à son ministre de la Justice, William Barr, de ne pas ordonner séance tenante l’inculpation de Barack Obama et Joe Biden pour avoir commis "les plus grands crimes politiques dans l’histoire de notre pays" (il les accuse sans fondement d’avoir fait espionner son équipe de campagne en 2016).
Donald Trump a, par ailleurs, fustigé son secrétaire d’État, Mike Pompeo, pour ne pas avoir rendu publics les fameux e-mails d’Hillary Clinton, le faux scandale qui a empoisonné la présidentielle de 2016. Et il a encore estimé que le directeur du FBI, Christopher Wray, "avait été décevant", sans qu’on sache pourquoi précisément.
Combattre Pékin ou Moscou
Le Président s’est montré encore plus déroutant en expliquant, toujours sur Fox News, qu’il voulait rappeler les troupes déployées en Afghanistan pour être prêt à combattre contre la Chine ou la Russie si nécessaire. On sait que Donald Trump tient les Chinois pour responsables de l’épidémie et veut leur en faire payer le prix. De là à envisager un conflit armé… Son "ami" Xi Jinping aura certainement apprécié, à l’instar de son autre ami, Vladimir Poutine.
Plus tard, sur Twitter, le Président s’est de nouveau déchaîné contre son ennemie jurée, Nancy Pelosi, speaker de la Chambre des représentants, à qui il prête l’intention d’ourdir un complot contre lui. Il est vrai que la Démocrate voudrait faire adopter d’urgence une loi qui établirait la procédure permettant, en application du 25e Amendement à la Constitution, de déterminer si un Président est bien apte, physiquement et mentalement, à exercer ses fonctions. Trump a répondu que "c’est la folle Nancy qui devrait être placée en observation".
Plus aucun débat ?
Les incertitudes liées à l’état de santé de Donald Trump vont perturber le déroulement des trois dernières semaines de la campagne. Jeudi, la Commission indépendante chargée d’organiser les débats télévisés a soudainement annoncé que le prochain, prévu à Miami, le 15 octobre, serait "virtuel", avec des candidats s’exprimant à distance d’endroits distincts. Alors que Joe Biden acceptait la formule, son rival la rejetait en déclarant ne pas vouloir "perdre son temps".
Depuis, la confusion est totale. L’équipe du Président a réclamé deux débats en présence des candidats, le premier à la date prévue initialement pour le dernier, le 22 octobre, et le second reprogrammé le 29 octobre, soit cinq jours seulement avant le scrutin. Joe Biden a refusé, estimant que le comportement irresponsable de Donald Trump face au Covid-19 ne pouvait pas justifier qu’on modifie ainsi le calendrier sur lequel les deux camps s’étaient accordés en juin.
Agacement chez les Républicains
Invoquant l’avis favorable des médecins (qui pourtant disaient vouloir attendre lundi pour être rassurés), le Président envisageait de participer dès ce samedi à un rallye électoral en Floride, prétendant ne s’être jamais aussi bien porté. L’attitude, assimilée à de l’inconscience, suscite de plus en plus de critiques jusque dans les rangs républicains, où l’on redoute que la chute de Donald Trump dans les sondages (il accuse un retard de plus de dix points en moyenne sur Joe Biden) pénalise les sénateurs déjà confrontés à une réélection difficile, le 3 novembre. C’est le cas, contre toute attente, du chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell. Lui d’ordinaire si dévoué au Président, a déclaré ne plus vouloir se rendre à la Maison-Blanche parce que les mesures de précaution n’y sont pas appliquées avec toute la rigueur voulue.
La tension est également attisée par l’éventualité que les résultats de l’élection provoquent des réactions violentes. La découverte d’un projet terroriste visant la gouverneure démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer, n’est pas de nature à rassurer. Six extrémistes, inculpés par le FBI, voulaient kidnapper Mme Whitmer (pour la punir des mesures de confinement prises pour contenir l’épidémie), mais aussi renverser le gouvernement local et provoquer... une guerre civile. Donald Trump avait, on s’en souvient, appelé à "libérer le Michigan".