Trump dans la tourmente, Biden sur un nuage: les candidats à la présidentielle ont débattu jeudi, chacun de son côté
À 19 jours de l'élection présidentielle et après l'annulation du débat télévisé de Miami, les deux candidats à la Maison-Blanche se sont affichés au même moment sur deux chaînes de télévision concurrentes la nuit dernière. Analyse de ce débat croisé.
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- Publié le 16-10-2020 à 10h46
- Mis à jour le 16-10-2020 à 18h00
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Donald Trump doit probablement regretter d’avoir fait annuler le débat télévisé qui devait l’opposer, la nuit dernière, à Miami, à Joe Biden, parce que la confrontation aurait été organisée à distance en raison de la contamination du Président par le Covid-19. Comme le candidat démocrate avait prévu de remplacer l’événement par un face-à-face avec des électeurs devant les caméras d’ABC à Philadelphie, le Républicain s’était décidé au tout dernier moment à le court-circuiter en programmant une rencontre identique au même moment, mais à Miami et sous la houlette d’une chaîne concurrente, NBC.
Si l’initiative tardive de Donald Trump a été critiquée (pourquoi lui offrir ce temps d’antenne, alors qu’il avait refusé de jouer le jeu ?), NBC s’est très vite dédouanée à l’égard de ceux qui auraient pu craindre de la complaisance. La modératrice du débat, Savannah Guthrie, qui présente l’émission matinale de la chaîne, « Today », a littéralement mis le Président sur le grill. Tandis qu’à 1600 km de là, Joe Biden passait une soirée tranquille – soporifique, diront peut-être ses détracteurs – en étant enfin libre de développer ses arguments sans être continuellement interrompu, Donald Trump affrontait, à n’en pas douter, l’épisode le plus pénible de sa campagne électorale.
La chasse aux mensonges
A la différence du journaliste de Fox News Chris Wallace, qui arbitrait le mémorable débat du 29 septembre et s’était épuisé à essayer de convaincre le Président d’en respecter les règles, sa consœur de NBC a pu se concentrer sur le fond pour débusquer approximations et mensonges. Ainsi n’a-t-elle pas hésité à contredire Donald Trump quand il a voulu justifier son hostilité au port du masque en affirmant que, selon une étude, 85 % de ceux qui en portaient étaient malgré tout infectés par le virus. Ou quand il a défendu sa gestion de la crise en assurant qu’elle aurait fait, autrement, non pas 200 000 morts, mais deux millions. Savannah Guthrie lui a fait poliment remarquer qu’on serait parvenu à pareil bilan si on n’avait pris aucune des mesures sanitaires que le Président a le plus souvent critiquées.
Si l’on a principalement retenu du débat du 29 septembre la réticence de Donald Trump à condamner les suprémacistes blancs (il avait, au contraire, paru encourager un de ces groupes d’extrême droite, les Proud Boys, en les exhortant à se tenir prêts), on gardera en mémoire, cette fois, le refus du Président de se prononcer contre QAnon. Cette mouvance d’extrême droite nourrit depuis deux ans une hallucinante théorie du complot impliquant des élites démocrates dans « l’État profond » (l’Administration), les médias, le monde des affaires et de la culture, qui se livreraient à des rites sataniques et à la pédophilie, tout en projetant de fomenter un coup d’État. Donald Trump a prétendu ne rien connaître de cette organisation (que le FBI considère pourtant comme une menace terroriste), avant d’indiquer qu’il se réjouissait qu’elle soit contre la pédophilie.
La Cour suprême dans le collimateur
Tout autre ambiance à Philadelphie, où Joe Biden n’avait qu’un souci : naviguer paisiblement, sans créer de remous ni commettre d’impair. Il lui importait de préserver ainsi l’avantage que lui donnent toujours les sondages, soit une avance de plus de 10 % sur son adversaire au plan national – un écart considérable à moins de trois semaines du scrutin et en sachant que des millions d’Américains ont déjà voté par correspondance. Les perspectives sont également encourageantes pour lui dans la plupart des « swing states » susceptibles de faire la différence, le 3 novembre. L’ancien vice-président pourrait même, à titre d’exemple, enlever l’Arizona, ce bastion républicain où beaucoup d’électeurs ne cachent pas leur frustration : ils ne font instinctivement pas confiance au Parti démocrate, mais ils ont désormais encore moins confiance en Donald Trump.
Joe Biden s’est donc prudemment contenté de présenter une fois de plus ses projets, sans autre déclaration sensationnelle que les précisions enfin apportées sur ses intentions à propos de la Cour suprême (le sujet avait profondément embarrassé sa colistière, Kamala Harris, dans l’impossibilité de répondre lors du débat vice-présidentiel). Tout en déclarant n’être pas exagérément enthousiaste à l’idée d’augmenter le nombre de juges (pour contrebalancer la nomination de juges conservateurs par Donald Trump), le candidat démocrate a néanmoins annoncé qu’il gardait cette option ouverte. Tout dépendra, a-t-il dit, de ce qui va se passer avec la candidature d’Amy Coney Barrett, que le Président a choisie pour succéder à Ruth Bader Ginsburg.
La situation devrait évoluer bientôt puisque la Commission de la Justice du Sénat votera sur cette candidature le 22 octobre, a annoncé jeudi son président, le Républicain Lindsey Graham. L’issue ne fait aucun doute et les sénateurs pourraient donc être appelés à se prononcer en séance plénière très rapidement. Hasard ou non du calendrier, c’est aussi le 22 octobre qu’est programmé le dernier affrontement télévisé entre Donald Trump et Joe Biden.